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3 octobre 2018 3 03 /10 /octobre /2018 15:39

Texte alternatif présenté par le texte d'orientation n°4 « L'Union & l'Espoir »

Le temps des ruptures

Pour les Socialistes français, les élections européennes sonneront comme l'heure de vérité. Poursuite du déclin ou sursaut salutaire : notre avenir est entre les mains des militants.

Nous devons être conscients que nous ne parviendrons à sauver le Parti et plus encore l’idée et le projet socialistes que si nous savons les libérer du conformisme intellectuel et politique dans lequel ils sont figés depuis plus de vingt ans ; que si nous sommes capables de tirer les leçons de l’échec des centres gauches auxquels se sont malheureusement réduits au pouvoir la social-démocratie européenne et le socialisme français ; qu’à la condition, enfin, d’évaluer lucidement la situation, à commencer par celle de l’UE. L’Europe se défait sous nos yeux, comme se défont nos modèles sociaux, à mesure que grandit l’inquiétude des peuples quant aux orientations qu’elle prend. Nous devons le dire avec force : la poursuite de ses politiques la détruit de l’intérieur et quiconque veut, comme nous tous, croire dans l’avenir de l’Europe doit tout mettre en œuvre pour lui donner un nouveau cours !

Seuls des choix clairs, des ruptures fortes, des engagements solennels nous permettront d'enrayer la spirale négative qui mène le Parti socialiste vers la marginalité politique et électorale.

Si nous voulons que les élections européennes marquent le début de la reconquête, nous devons nous astreindre à un devoir de sincérité.

Devoir de sincérité envers l'Europe d'aujourd'hui

Si l'Europe se meurt, c'est parce que les citoyens du continent ont l'impression que l'Union se construit sans eux, voire contre eux.

Depuis plusieurs années tout a été fait pour les déposséder des choix économiques et sociaux. Le résultat est connu : politiques d’austérité, recul de l’intervention publique, mise à mal des modèles sociaux, désindustrialisation de nombreux pays, triomphe de la finance.

Seul un changement radical permettra de sauver l’Union européenne.

Les hypocrites ou les naïfs déplorent les effets dont ils chérissent les causes. La progression effarante du nationalisme ne doit rien au hasard : elle est le résultat d'une politique aveuglée par des dogmes dépassés et la défiance par rapport à l'expression de la souveraineté populaire.

La compétition acharnée entre des concurrents qui se défient ne produit pas de la coopération pacifiée entre des partenaires qui s’apprécient. Seule la volonté politique a ce pouvoir.

Les traités actuels sont comme une camisole de force dont les peuples longtemps abusés veulent désormais se débarrasser. Et les vrais fous sont ceux qui, en dépit des échecs et des crises, s'obstinent à mener la même politique.

Oui, ce qui tue l'Europe, c'est l'absence de solidarité.

Absence de solidarité avec l'extérieur : pour répondre à la crise des réfugiés, il était pourtant facile d'imaginer une réponse rationnelle, humaine, coordonnée. En laissant trop longtemps les pays du Sud assumer seuls l'afflux de migrants, en n'assumant pas le rapport de forces avec les gouvernements xénophobes de certains pays de l'Est, les dirigeants des institutions européennes ont contribué à laisser pourrir la situation.

Absence de solidarité à l'intérieur : comment expliquer aux gens que si les politiques budgétaires et monétaires sont communes, les politiques sociales et fiscales sont laissées à la concurrence acharnée ? Renforcer le capital et affaiblir le travail : ce n'est pas là notre rêve européen.

Cette absence de solidarité, elle se vérifie aussi par d'inquiétants déséquilibres. Les dysfonctionnements structurels de la construction européenne ont entraîné un dépérissement industriel et économique de l’Europe du Sud au profit de l’Allemagne. Ainsi le profond déséquilibre des échanges entre la France et l’Allemagne, que les gouvernements successifs ont laissé s’instaurer, est porteur de graves dangers, pour notre pays comme pour l’Europe elle-même.

On ne construit pas un destin commun avec de tels décalages et la domination d’un seul. Il faut rompre avec la logique du libéralisme, qui justement tend par principe à accroître sans cesse la force du dominant.

Devoir de sincérité sur nos responsabilités dans la situation actuelle

Personne n'est dupe de la stratégie d'Emmanuel Macron. Opposer les supposés « progressistes » pro-européens aux « nationalistes » europhobes est un mauvais conte auquel nul citoyen sensé ne croira. Les gouvernements conservateurs et libéraux ont une responsabilité écrasante dans le développement de la crise européenne. À bien des égards, Libéraux et Nationalistes sont les deux faces d'une même médaille. Mieux, ils se nourrissent l'un l'autre.

Reste que la social-démocratie défaillante porte une lourde responsabilité. Faute de volonté politique, ou par adhésion idéologique, la social-démocratie a accompagné l’avènement de l’Europe libérale. Les cinq dernières années en ont hélas donné une preuve supplémentaire.

Le bilan européen de François Hollande est marqué d’erreurs majeures. Son refus de renégocier le TSCG, à rebours de sa promesse de la campagne de 2012, a empêché toute réorientation de la politique économique de l’Union, a approfondi la défiance qu’une large part du peuple de gauche entretient à notre égard, en particulier s’agissant de la construction européenne.

L’absence de volonté politique (à commencer par le refus de construire un rapport de forces face à l’Allemagne) a fait le reste, laissant croire qu’aucune politique alternative n’était possible. La signature des traités de libre-échange, en particulier le CETA, a confirmé l’acceptation du dogme du libre-échange généralisé sans normes sociales et environnementales.

Mais il y a pire : parfois, c’est le gouvernement français qui a combattu… des mesures que nous socialistes avions inlassablement promues : ainsi, la taxe sur les transactions financières.

Notre volonté de changer l’Europe ne sera pas crédible auprès des Français si nous ne reconnaissons pas ces erreurs et n’engageons pas, par des actes clairs, des ruptures avec ces choix antérieurs.

Faute de donner une impulsion nouvelle, faute de se donner les moyens de renverser la table, au mieux social-défaitiste, au pire néo-libérale, la social-démocratie a failli.

La confusion politique est à son comble. Compromis quasi systématique avec la droite, vote majoritaire en faveur du CETA, absence de remise en cause des carcans budgétaires : difficile de différencier la gauche et la droite sur les sujets économiques et sociaux. Il faut dire que, dans bien des pays, nos « partis frères » gouvernent avec les conservateurs ou les libéraux, voire avec l’extrême droite !

Ainsi, l’existence d’une grande coalition en Allemagne avec Merkel pèse dramatiquement sur les choix du Parlement européen.

De surcroît, dans bon nombre de pays de l’Union, les sociaux-démocrates refusent les alliances à gauche, sans compter ceux qui renvoient dos à dos « les populistes des deux bords » pour mieux justifier au nom du réformisme, la complaisance avec la droite, la connivence avec le centre et au fond le basculement de ces partis au centre-gauche, rebaptisés « progressistes » pour l’occasion.

Cette stratégie a permis à l’extrême-droite d’apparaître, avec ses thèses nauséabondes et dangereuses, comme incarnant l’alternative ! Il y a urgence à faire naître une alternative fédérant la gauche et les écologistes : c’est la seule façon d’enrayer la montée des replis identitaires et nationalistes.

Là aussi, des ruptures s’imposent

Rupture numéro 1 : aucun compromis avec la droite et les « progressistes » autoproclamés ! Une seule stratégie : l’alliance de la gauche et des écologistes

En 2014, en dépit d’une campagne très dure contre lui, la majorité du groupe social-démocrate a voté, à la demande de notre Spitzenkandidat Martin Schulz, en faveur de Jean-Claude Juncker, le VRP des paradis fiscaux.

Son action à la tête de la Commission a été calamiteuse. Sans souffle, sans élan, sans vision, la Commission européenne a grosso modo mis ses pas dans ceux de la précédente dirigée par Barroso : austérité, dogme de la concurrence libre et non faussée, religion du libre-échange. Confrontée à des crises majeures (Brexit, Grèce, Réfugiés), elle est apparue ballottée et inefficace et au final complice d'une précarisation d'un nombre croissant de citoyens, du maintien d'un chômage de masse et du recul de l'adhésion à l'idée européenne.

Mêler à nouveau nos voix à celles de la droite serait nous condamner à l’impuissance et au déshonneur. Dès lors, soyons extrêmement clairs : nous devons prendre l’engagement solennel de ne pactiser ni avec les Libéraux, ni avec les Conservateurs à l’occasion de la prochaine mandature. De même, nous refuserons une alliance des « Progressistes », faux nez d'Emmanuel Macron pour organiser un centre néo-libéral. Les élus socialistes français s’engagent à réserver leur voix à un candidat de gauche (se revendiquant clairement d'un rassemblement Rouge-Rose-Vert) à la Présidence du Parlement européen et à la Présidence de la Commission et à refuser la confiance à toute Commission de « grande coalition » avec la droite.

Pour politiser le débat européen, les socialistes doivent présenter une alternative claire aux citoyens et donc rétablir sans ambiguïté le clivage droite-gauche. En conséquence, nous devons non seulement refuser tout compromis, même technique, avec les Conservateurs et les Libéraux, mais aussi démontrer notre volonté de construire des ponts avec les autres familles de la gauche européenne : nous créerons un intergroupe avec les députés écologistes et ceux de la gauche dite radicale, avec un programme de travail pour la mandature.

Rupture numéro 2 : Contre la logique actuelle du PSE, pour un renouveau du mouvement socialiste européen

Coquille vide, le PSE est traversé par des contradictions fortes. Incapable de définir une stratégie claire, encline à toutes les compromissions, cette confédération de partis en est réduite à élaborer régulièrement des textes fades, atténués jusqu’à l’extrême, proclamant un progressisme de façade mais cautionnant toutes les dérives des partis adhérents.

Tous les cinq ans, nous discutons d’un Manifesto aussi creux que mensonger, puisque nous nous empressons de ne pas en suivre ses idées qui apparaissent généreuses sur le papier. Le temps de la clarification est venu. Pour marquer les esprits, nous avons différentes options. Le mieux est sans doute de se mettre en retrait, de ne pas reconnaître le Manifesto comme notre viatique pour les élections.

Quant au Spitzenkandidat, nous estimons que la situation est trop confuse pour nous sentir liés par sa procédure de désignation. De quoi aurions-nous l’air si le candidat choisi soutient, une fois élu, les alliances avec les macronistes et les Libéraux ? Que dirons-nous si, une fois les élections européennes passées, notre candidat décidait de mettre ses pas dans ceux de ses prédécesseurs, accompagnant le déploiement de l’Europe libérale ? Tous les candidats pressentis aujourd'hui au sein du PSE s'inscrivent justement dans cette continuité : nous ne pouvons les soutenir.

Rupture numéro 3 : Parler vrai ! Notre projet n’est pas réalisable dans le cadre des traités actuels !

La plus grave erreur politique des dirigeants du PS au cours de la décennie écoulée est d’avoir passé outre le vote des Français contre le Traité constitutionnel de 2005, en laissant ratifier le traité de Lisbonne, en complicité avec la droite. Ce fut en effet une double faute : atteinte à la démocratie d’une part, entrave structurelle à toute réorientation réelle d’autre part.

Sous prétexte de « ne pas bloquer l’Europe », nous avons ainsi approuvé la constitutionnalisation d’une politique ordo-libérale qui a mis à mal notre modèle social et républicain. Elle constitue évidemment un obstacle majeur à la mise en œuvre d'une politique de gauche ; c'est pourquoi, afin de tenir les promesses de la campagne victorieuse de 2012, il était cohérent d'annoncer que l'on ne ratifierait pas le TSCG sans renégociation substantielle. L'abandon de cet engagement pris devant les Français nous a par la suite empêchés de réaliser le programme de 2012.

Comment défendre les services publics, qu’il s’agisse de La Poste, forcée de déserter les campagnes pour rester « compétitive », ou de la SNCF, obligée de fermer les petites lignes déficitaires, dans un cadre européen généralisant la « concurrence libre et non faussée » à toute activité humaine ?

Comment soutenir les aspirations de notre base sociale, particulièrement les ouvriers, les employés, sauvegarder leurs emplois et améliorer leurs conditions de travail, dans une mondialisation non seulement acceptée par l’Europe, mais aussi étendue, aggravée sous l’effet de la liberté de circulation du capital et de l’accumulation des accords de libre-échange ? Comment assurer le redressement industriel en interdisant les « aides d’État » (Airbus n'aurait jamais vu le jour sans cela) et en laissant faire le dumping fiscal et social ?

Cette dérive, inscrite en toutes lettres dans les traités, porte également atteinte à nos engagements pour la transition écologique et rendent encore plus hypocrites nos grands discours sur cet enjeu.

Enfin, la répression de toute politique interventionniste, notamment en faveur de l’investissement public, contenue dans le traité budgétaire auquel François Hollande s’est immédiatement soumis après avoir pourtant fait campagne pour sa renégociation, détruit les marges de manœuvres des collectivités et imprime une marche forcée vers l’austérité que nous avons chèrement payée aux élections de 2017.

Il est plus que temps de revendiquer une inversion complète du cours actuel de la construction européenne et donc de réclamer une révision en profondeur des traités, afin de sortir de cet ordolibéralisme qui mène droit à la dislocation de l’Union.

Soyons cohérents et ne berçons pas nos concitoyens d'illusions : bon nombre de nos intentions, de nos propositions, aussi intéressantes que nécessaires, ne pourront pas être mises en œuvre dans le cadre des traités actuels. Nous ne pouvons pas taire cette réalité sauf à accroître encore le discrédit qui nous frappe. Il y a bien sûr la possibilité de s'affranchir de certaines dispositions des traités afin de créer l'indispensable rapport de force nécessaire à cette révision stratégique. Assumons donc clairement ce choix 

 

Rupture numéro 4 : des combats communs pour la gauche européenne, des mobilisations citoyennes à organiser

Pour une relance européenne

L’urgence : lancer des politiques nouvelles autour de projets mobilisateurs, seuls susceptibles de provoquer le « choc de confiance » inlassablement psalmodié par les Libéraux, mais toujours reporté.

Mobilisons les Européens sur ce qui les intéresse, particulièrement la lutte contre le changement climatique, la création d’emplois et la réduction des inégalités, le soutien aux salaires et au pouvoir d'achat, les investissements d'avenir ; et finissons-en avec cette obsession maladive des déficits et de la dette, avec ces politiques austéritaires qui ne réduisent ni les uns ni l’autre et nous maintiennent dans un état permanent d’angoisse et de dépression.

Lutter contre l’austérité n’est pas un « marqueur politique » ou une valeur culturelle, c’est une nécessité économique, sociale et politique.

C’est donc dans la relance européenne, et certainement pas dans une nouvelle cure d’austérité, au niveau des États comme au niveau de l'Union, que réside vraiment le choc de confiance. Mais le budget de l’Europe stagne à 1% du PIB. La dernière proposition de la Commission pour 2021-2027 monte péniblement à 1,1% du PIB, alors que dans le même temps les budgets nationaux sont soumis à la contrainte et au dénigrement perpétuel de la dépense publique.

Nous proposons de tripler le budget européen. D’environ 1 100 milliards sur 7 ans, il doit passer à 3 000 milliards (3% du PIB européen). Avec cet argent, nous aurons enfin les moyens de sauver notre agriculture et de réorienter la PAC vers le biologique, sans pesticides ni perturbateurs endocriniens. Nous donnerons un énorme coup d’accélérateur à la transition énergétique, à la diffusion des nouvelles technologies au service des besoins humains, un nouveau mode de développement plus harmonieux et moins polluant, et au rattrapage des régions défavorisées. Ces aides généreront à leur tour d’innombrables externalités positives en termes d’innovations, d’emplois et d’infrastructures.

Pour financer cette relance, nous proposons la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’Union qui concrétisera les promesses de la COP21, ainsi qu’une taxe sur les transactions financières. Ces deux taxes abonderont le budget européen à hauteur de 500 milliards d'euros (soit 70 milliards par an), les 1 500 restants provenant d’un nouveau « round » de Quantitative Easing de la BCE, qui n'a pas eu de mal à soutenir largement le système financier entre 2015 et 2018 à hauteur de 3 000 milliards d’euros.

 

Pour une harmonisation fiscale et sociale vers le haut

Si la Charte des Droits fondamentaux rédigée en 2004 a quelque peu atténué la violence de la guerre économique intra-européenne, offrant à tous les travailleurs européens un socle de droits et de garanties (comme le droit aux congés, aux conventions collectives, à la représentation syndicale...), la « concurrence libre et non faussée » n’en a pas moins fait son œuvre : l’écart de rémunérations entre l’Est et l’Ouest demeure, 15 ans après l’élargissement, très important.

Il n’est pas tolérable qu’en Europe, les travailleurs puissent compter sur un salaire minimum de 1 400-1 500€ bruts en France ou en Allemagne, et se contenter de seulement 450-500€ dans la plupart des pays de l’Est. Il faut créer un salaire minimum européen, qui pourrait d’abord s’établir à la moyenne basse des pays de l’Ouest (éloignée d’environ 100-150€ de la moyenne haute des pays de l’Est), puis converger rapidement vers des standards plus élevés, de l’ordre de 1 000€ par mois. Derrière les mots se cachent parfois des réalités contradictoires. Ainsi pour certains (y compris au sein de la social-démocratie), le salaire minimum européen serait fixé selon un pourcentage du salaire médian ou moyen de chaque pays Cela n'engage aucun chemin de convergence mais maintiendrait les écarts inacceptables et la logique de dumping social qui provoque tant de délocalisations. Nous devons assumer l'objectif de converger vers un même SMIC en Europe ; nous devons aussi interdire la logique des « jobs » à bas coûts qu'il s'agisse de ressortissants de l'Union ou des travailleurs immigrés.

Pour limiter une concurrence délétère entre salaries européens, livrée au nom de la « liberté de la prestation de service », il convient aussi de faire du travail détaché une exception. À défaut d’un accord sur ce point, la France devra prendre des mesures unilatérales pour enrayer cette discrimination à l’encontre des travailleurs résidant sur notre territoire.

En matière de fiscalité, la situation est tout aussi grave et cause de nombreuses tensions entre États. Les paradis fiscaux se multiplient en Europe. Pour attirer le capital, c'est cette stratégie qui est choisie par des pays comme le Luxembourg, l’Irlande, Malte, Chypre, les Pays-Bas). La France n'a pas résisté à la pression et a en conséquence baissé à son tour l’impôt sur le capital.

Par ailleurs, la moindre faille législative est exploitée pour économiser des millions d’impôts sur les sociétés et sur le patrimoine, comme en témoignent les retentissantes révélations de la presse ces dernières années. Alors que les profits des multinationales ont plus que triplé en 30 ans (de 2 000 milliards de dollars en 1980 à 7 200 milliards en 2013), les recettes de la fiscalité des entreprises se sont érodées de 3,6% du PIB en 2007 à 2,8% en 2014

Tout doit être fait, malgré la rigidité des règles de délibération (unanimité du Conseil), pour obliger, les multinationales à publier leur chiffre d’affaires, leur patrimoine, leurs revenus et leur nombre de salariés dans tous les pays où elles sont implantées. L’objectif politique est de parvenir à un accord sur l’assiette fiscale pour le calcul de l’impôt sur les sociétés et un taux minimum d’impôt pour les entreprises multinationales de 20%.

Tout contournement d’une ou plusieurs législations nationales permettant à une multinationale de payer moins que ce taux, entraînerait automatiquement un redressement fiscal à due proportion, quel que soit l’État membre où se trouve son siège social.

Enfin, l’Union européenne doit sortir de sa paralysie et relever le défi des GAFA. Il est urgent de réduire leur influence, leur pouvoir croissant sur nos vies et en premier lieu les taxer au prorata des richesses qu’ils prélèvent sur nos pays. La première des décisions pourrait être de considérer que toute entreprise multinationale ayant un chiffre d'affaire important dans un pays donné est réputée y avoir un établissement stable, ce qui l'oblige à s'acquitter de l'impôt qui y est normalement dû. L’impuissance de l’Union européenne à lutter contre cette évasion fiscale est intolérable. À défaut d’accord rapide à 27, des coopérations entre États membres résolus à agir devront s’imposer à court terme.

Instaurer la préférence communautaire et un moratoire sur les traités de libre-échange

Même si l’OMC est actuellement en panne – les grandes régions économiques, l’Union européenne la première, lui préférant des accords bilatéraux (par exemple le CETA, le JEFTA ou l’accord avec le Mercosur, etc.) –, le libre-échange domine toujours sans partage l’idéologie des dirigeants européens. La simple évocation d’un changement de vision sur la question demeure insupportable à leurs oreilles. Il est suspect de suggérer la moindre limitation à la libre circulation des marchandises et des capitaux. Il faut pourtant briser ce tabou.

La mondialisation libérale a non seulement des effets catastrophiques sur l’emploi et le tissu industriel, mais aussi des conséquences dévastatrices sur l’écosystème planétaire : le bilan carbone du « grand déménagement du monde » s’aggrave dans des proportions incontrôlables. Pire, lorsque le libre-échange est subi par la partie faible, cela détériore son développement endogène, détruit ses communautés locales et accroît les exodes de populations. Les véritables complices des passeurs ne sont ni le Lifeline ni l’Aquarius mais les accords entre l’Union européenne et la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique.

Ainsi, réparer les dégâts causés par les Européens fait partie des solutions à mettre en œuvre pour résorber les causes profondes de la crise migratoire. Les accords de libre-échange facteurs de déséquilibre, le changement climatique, la multiplication des conflits qui ne sont pas exclusivement dus à des causes endogènes, l'absence de co-développement (dont profitent multinationales et puissances étrangères pour poursuivre leurs politiques de prédation), voilà les raisons véritables de la désespérance de millions d'êtres humains et non d'improbables « appels d'air » dénoncés par les droites conservatrices et extrêmes. Si elle a des frontières, l’Europe ne peut tourner le dos à ses valeurs humanistes. L'Union doit donc définir enfin une réelle politique migratoire commune qui passera par : l'octroi de visas humanitaires, la remise en cause profonde des accords de Dublin (le pays d'entrée ne doit pas être le seul pays pouvant accorder l'asile) qui créent des situations inhumaines, fabriquent des imbroglios administratifs et participent de la montée de la xénophobie aux marches de l'Europe. Les Européens organisent à distance dans les hotspots au Sud de la Méditerranée un parquage violent et inhumain des êtres humains : cette situation est un scandale auquel l'Union européenne devra mettre fin, en dialogue avec nos voisins et les pays d'origine.

La mondialisation du commerce agricole ne bénéficie pour sa part qu’aux grands exploitants et à l’agriculture chimique. Tous les autres agriculteurs, qu’ils cultivent la terre dans le Tiers-Monde ou en France, n’en tirent pas le moindre bénéfice, au contraire. L’Europe doit donc limiter l’importation d’aliments venus du monde entier et ses propres exportations agricoles. De même, il n’est plus possible de laisser gaspiller autant d’aliments. Les Européens jettent chaque année 90 millions de tonnes de nourriture, soit 173 kg par habitant ! Nous proposons que l’Union européenne se saisisse de cet enjeu et se dote d’une directive contre le gaspillage alimentaire. Nous devons défendre partout le principe de la souveraineté alimentaire et de la priorité aux productions locales.

L’Europe ne peut pas davantage tolérer les délocalisations dans le but de réexporter vers le pays d’origine. S’il est évidemment logique d’ouvrir des usines ailleurs pour satisfaire les marchés lointains, ça ne l’est pas pour satisfaire des consommateurs européens frappés par le sous-emploi, sans aucune prise en compte des coûts sociaux et environnementaux.

L’Union européenne doit donc complètement revoir sa politique commerciale. Elle ne peut plus négocier en catimini des accords de libre-échange totalement contraires à la COP21 et mortifères pour ses industries et son agriculture. Les socialistes s'engagent à refuser le CETA à l'Assemblée et au Sénat, à voter contre l’accord avec le Japon au Parlement européen. Au delà, nous proposons un moratoire sur les négociations commerciales aujourd'hui en cours (Mercosur, Mexique, Australie, Nouvelle-Zélande).

Par obstination dans l’erreur et peur irrationnelle de ne plus pouvoir commercer, la Commission mène des politiques qui rabaissent les normes et limitent la capacité de régulation des États. Au lieu de tout niveler par le bas, le commerce extérieur de l’Europe doit devenir le véhicule de nos ambitions : clauses de réduction contraignantes de l’empreinte carbone, du respect des conventions internationales sur le travail mais aussi d’un salaire-plancher, clauses de transparence fiscale, filets de sécurité sur la fiscalité des entreprises… Ce sont ces clauses de nouvelle génération qui aideront nos entreprises dans le commerce international et offriront un tout autre visage à la politique commerciale de l’Europe.

Il faudra aussi mieux répondre au dumping et aux agressions commerciales pratiquées à grande échelle par la Chine ou les États-Unis. L’Europe ne peut plus être l’idiot utile du commerce international. Nous avons besoin d’un dispositif paneuropéen de supervision et d’approbation des investissements extra-communautaires.

La préférence communautaire doit devenir un vecteur stratégique de la politique commerciale européenne. Il faut populariser ce thème en proposant aux citoyens un véritable « Buy European Act », exactement sur le modèle du « Buy American Act » voté en 1933, qui garantit aux entreprises américaines un accès prioritaire aux marchés publics. Cette réforme obligerait les États membres et leurs collectivités territoriales à acheter la moitié de leurs biens et services à des entreprises européennes. Le Buy European Act pourrait sauver ou créer des dizaines de milliers d’emplois et apporterait la preuve de l’utilité de l’Europe aux peuples.

Au-delà, il faut rétablir la politique industrielle, sans laquelle l’Europe est désarmée. L’évocation d’Airbus ou d’Arianespace suscite l’orgueil des Européens. Malheureusement, ces exemples cachent mal une coopération industrielle au point mort en Europe, car les ingrédients qui ont fait le succès de ces entreprises ne sont plus là. Parce que les élites ne croient plus au patriotisme industriel, ils n’imaginent pas un patriotisme européen. Pendant ce temps, un nombre croissant d’États membres s’emploient à ne devenir que des plateformes d’atterrissage de multinationales américaines ou chinoises. Les ingrédients indispensables à une politique industrielle européenne doivent être fournis : augmentation des programmes de recherche, des fonds d’investissement, des avances remboursables, des soutiens aux filières.

L’Europe de la révolution écologique

Pendant longtemps, l’Union européenne a été plutôt en pointe dans le combat écologique et la défense de l’environnement. L’UE a voté de nombreuses directives pour lutter contre la pollution, développer des stratégies de restauration de la qualité environnementale de l’eau, de l’air, des sols ou ou des stratégies de préservation des espèces et de la biodiversité. Elle a aussi pris une part active voire déterminante dans le combat contre le changement climatique. Mais, depuis quelques années, le mouvement est inverse. La logique économique et financière à court terme, le poids des lobbies prennent à nouveau le dessus. Des textes sont votés, mais les moyens effectifs de leur mise en œuvre ne sont jamais dégagés. Faute de voir loin, de fixer des caps ambitieux et de financer des recherches indépendantes et publiques, des programmes d’action, des innovations portant des alternatives à notre mode de développement actuel, l’Union, comme nombre d’États membres qui la composent, n'est pas à la hauteur des enjeux et ne prend pas la mesure de la gravité et de l’urgence de la situation.

Après avoir signé l’accord de Paris sur le changement climatique, l’Union voit cette année sa production de gaz à effet de serre augmenter (elle a pourtant baissé pendant des années). Mais là encore aucune sanction prévue.

Le Parlement européen devra adopter le plus tôt possible un plan d’interdiction des pesticides et un grand programme européen de recherches publiques pour les pratiques alternatives non polluantes. L’urgence est d’obtenir l’interdiction immédiate et réelle du Glyphosate. L’Union doit se retourner contre ces grandes entreprises qui, comme Monsanto, ont pollué et polluent nos eaux, nos sols, nos aliments et donc nos corps.

Il est nécessaire d'engager systématiquement une évaluation des directives environnementales pour accélérer leur mise en œuvre, voter des programmes et financement et rattraper le temps perdu. C’est particulièrement vrai pour la restauration de la qualité de l’eau douce et des mers et océans, mais aussi pour la réduction des déchets dont il faudrait interdire toute exportation ainsi que le démontage et recyclage hors de nos frontières, rejetant les risques et pollutions sur d’autres continents.

Le plan de relance que nous soutenons doit consacrer un plan pluriannuel d’investissement public pour les énergies renouvelables, les économies d’énergie et la mutation vers des activités économiques dé-carbonnées.

Ces programmes devront être réalisés en partenariat étroit avec les États membres et les différentes régions qui devront s’engager de façon concrètes et précises.

Les financements européens doivent être conditionnés au lancement de ces actions et à l’atteinte des objectifs fixés. Le Parlement européen, qui a un rôle de co-décision budgétaire, doit en faire une exigence absolue.

Nous proposerons à l’intergroupe des gauches et écologistes d’organiser chaque année, avec les ONG et la participation des citoyens – consultés aussi par internet –, un Forum de la révolution écologique pour suivre et enrichir une feuille de route de l’Union européenne et éviter l’inertie des institutions. Rien n’est possible sans la mobilisation citoyenne.

 

Une Europe enfin indépendante

L’Europe demeure, et demeurera dans le court et le moyen terme, une coopération de nations. Il n’y a pas d’« égoïsmes nationaux » mais des intérêts nationaux : le rôle de l’Union n’est pas de les contrecarrer, mais de favoriser et sublimer ceux qui sont convergents.

Or l’Europe, peut-être bercée par une illusion de « fin de l’histoire » depuis l’effondrement soviétique, voit revenir le germe de la guerre : à ses portes, au Sud d’abord, à l’Est ensuite ; et sur son sol, avec l’importation du djihadisme. La paix, dont nous nous enorgueillissions, est bien plus la cause que la conséquence de la construction européenne.

Aujourd'hui cette paix doit peu, trop peu, à notre propre capacité d’assurer la défense de notre intégrité.

C'est là tout l'enjeu du débat autour de La Défense européenne. L’indifférence à notre sécurité dont témoignent de plus en plus des États-Unis soucieux de leurs seuls intérêts doit nous conduire à reconsidérer le rôle de l’OTAN et à remobiliser la coopération inter européenne pour autant, naturellement, qu’elle ne serve pas de prétexte à répondre à l’exigence américaine d’une augmentation de notre contribution budgétaire à l’alliance.

Face à Trump, il est urgent de relever le défi. Quand Washington renie sa signature de l’accord nucléaire iranien, et plus encore prétend sanctionner nos banques et nos entreprises désireuses de poursuivre leurs investissements à Téhéran, nous ne pouvons rester inactifs. Où sont passées les ambitions de faire de l’euro une monnaie d’échange international capable de concurrencer le dollar et contrecarrer l’hégémonie américaine ? Où sont les mesures de rétorsions qui seraient déclenchées si nos entreprises restant en Iran étaient pénalisées ? Comme cela est déjà arrivé à de multiples reprises depuis 1981, la France doit actualiser, ou à défaut adopter, une loi de blocage interdisant à nos établissements économiques et financiers de se soumettre aux injonctions d’un pays tiers. A défaut, que resterait-il de notre indépendance nationale si nous ne pouvons plus décider de notre politique étrangère ?

Une Europe au service de ses peuples exige une France au service du sien.

 

* * * * *

La France, dans l’Europe d’après.

 

L’enjeu des prochaines élections européennes est un enjeu de méthode autant que de propositions pour l’Europe : faut-il poursuivre la méthode des accommodements raisonnables avec les puissances de l’argent et les diktats des nationalistes, ou porter des ruptures ?

Nous, socialistes, nous plaçons évidemment dans le camp de la rupture.

Conscients que l’Europe d’après ne se construira pas sur les chimères d’antan – le Libéralisme, la « main invisible du marché », la primauté de l’économique sur le politique –, nous devons proposer à la gauche européenne une nouvelle alliance des peuples.

Face aux problèmes politiques de l’Europe, la France a toujours échoué quand elle s’est abîmée dans les armes ou perdue dans les songes. En revanche, elle a toujours réussi à convaincre, à changer les rapports de force et, pour tout dire, à éclairer le monde, quand elle a usé de la meilleure méthode : montrer l’exemple.

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19 octobre 2017 4 19 /10 /octobre /2017 12:36
Paul Klee, Roses héroïques, 1938

Paul Klee, Roses héroïques, 1938

Faudra-t-il que chaque socialiste se fasse collapsologue ? On le sait, la science de l’effondrement a le vent en poupe. Les civilisations et les sociétés sont mortelles, c’est encore plus vrai des partis. Au terme d’un quinquennat éprouvant, le paysage politique français est dévasté : seuls les indécrottables optimistes sont assurés que le Parti Socialiste y jouera un rôle demain.

Il y a en effet peu d’exemples, lointains ou récents, d’un mouvement qui se redresse rapidement après avoir subi de telles défaites. Au-delà de “l’accident industriel” de la présidentielle (6,36%), le résultat des législatives (moins de 30 sièges et à peine 2 millions de voix, soit  8 de moins qu’en 2012 et plus de deux fois moins qu’en 1993 !) témoigne de l’ampleur du désaveu.

Et chacun de pronostiquer une “SFIO-isation” du PS (un délitement lent mais irréversible), voire même une peu glorieuse “PASOK-isation” (une dégringolade rapide). Rares sont ceux qui nous assignent un rôle autre que celui de simple supplétif : destin indigne de ce que fut notre parti, indigne de ce qu’il représenta dans l’histoire de la Vème République.

Sans être des fétichistes de l’organisation, tous les adhérents et les sympathisants du PS, et ce quelles que soient leurs convictions et leurs options dans la période récente, souffrent de cette image dégradée, de cette impression d’effondrement politique.

La foi dans la survie et le redressement du PS tient donc bien du pari, au sens quasi existentiel du terme. Un pari qu’il faut relever, mais en faisant preuve d’une humilité et d’une lucidité dont nous ne sommes pas coutumiers.

Humilité donc. Il est hardi d’affirmer péremptoirement ce qu’il convient de faire. Il est peut-être un peu plus simple d’énumérer ce qui, selon nous, il faut absolument éviter.

Le déni et la stratégie de la « volvation »

Premier écueil : ne pas verser dans le relativisme, voire le simple déni. Je sais qu’il est tentant, par temps de crise, de s’adonner à ce que, dans le règne animal, les zoologistes appellent la volvation : l’action de se rouler en boule, de se recroqueviller sur soi-même pour se protéger d’un monde hostile, d’une menace.

Relativiser, c’est ce que font les camarades qui pensent que la politique, à l’instar de l’économie, est régie par des cycles plus ou moins réguliers. En vertu d’une loi quasi naturelle, ce qui a été défait hier triomphera à nouveau demain. En bref, le PS, du fait des erreurs des uns et de l’impéritie des autres, serait mécaniquement appelé à retrouver la faveur des électeurs. On sait que ce cas de figure advint : Le redressement socialiste le plus spectaculaire intervint au milieu des années 90 : quatre ans à peine séparent la Berezina de 1993 de la victoire de 97. Dès lors, il suffirait d’un bon vieux ripolinage, agrémenté de couplets solennels sur la nécessaire “refondation” pour reprendre tranquillement la route : "business as usual". Mais la nouvelle configuration du paysage électoral et l’ampleur du désenchantement démocratique rendent ce scénario peu probable.

Peu probable aussi, la survie du PS sans un débat sérieux et approfondi sur notre bilan. Je comprends que certains, pas forcément mal intentionnés, jugent opportun d’enjamber la discussion sur le quinquennat passé, qui, inévitablement, ferait apparaître entre nous de vraies divergences à un moment où nous n’en avons pas besoin. Le risque est grand en effet que la discussion se résume à une confrontation entre un paresseux “c’est la faute de François Hollande” et un contestable “c’est la responsabilité des frondeurs”. Je fais le pari que nous formons un collectif suffisamment intelligent pour ne pas en rester là.  D’autant que rien ne nous empêche  de nous livrer à une lecture critique élargie à la dernière décennie. Mais il faut le faire, et vite. Si nous mettons le débat sous le tapis, les Français ne verront pas de raison d’interrompre ce qu’ils ont commencé, c’est à dire un grand coup de balai.

Ne pas verser dans le déni, ne pas occulter la nécessité d’un retour critique sur nos années de pouvoir, dresser lucidement la liste de nos faiblesses et de nos forces, de nos handicaps et de nos atouts.

Parmi ceux-là, il y a incontestablement la puissance de notre réseau d’élus. Pour autant, je ne crois pas que le salut viendra des seuls “territoires”.  Je suis loin de partager l’analyse de Jean-Christophe Cambadelis, qui, dans un récent entretien, nous assignait comme ambition de former “une confédération d’élus locaux qui conduisent une décentralisation écologique et participative”. C’est se rassurer à bon compte que de considérer que la persistance d’un socialisme local nous prémunit de graves déconvenues. La SFIO croupissante elle-même s’enorgueillissait de cette tradition d’implantation municipale qui la rendait supposément invincible. Ce maillage territorial peut retarder la disparition du parti, mais pas enrayer un processus. Le dévouement de nos édiles, les innovations dont nous sommes légitimement fiers, tous les brevets de bonne gestion imaginables, constituent des points d’appui intéressants. Mais ils ne pourront pas se substituer à un projet global et à une organisation nationale.

De la clarté avant toute chose

Sortis essorés d’un quinquennat qui nous aura vu tourner le dos à bon nombre d’engagements, malmener certains de nos principes les plus élémentaires et, par-là, décontenancer parmi nos électeurs les plus fidèles, il nous revient, pour rebondir, de sortir d’une ambiguïté mortifère.

La campagne de la présidentielle, mais surtout celle des législatives, laissera des traces durables. Au film navrant du divorce en direct entre un candidat légitimé par des primaires et des dirigeants tourneboulés a succédé le spectacle tragi-comique d’une panique générale, d’un concours parfois peu ragoûtant de « sauve qui peut »

Le nouveau pouvoir, dans sa grande mansuétude et avec une pointe de sadisme, a certes décidé d’épargner une poignée de députés sous prétexte qu’ils faisaient montre de bonne volonté (pendant que d’autres affrontaient le suffrage universel avec les seuls poing et rose). Mais la confusion ainsi entretenue ne pouvait que décourager jusqu’à nos électeurs les plus indulgents. Confusion qui devait se prolonger lors du vote de confiance au nouveau gouvernement, au cours duquel le groupe socialiste à l’Assemblée Nationale, pourtant réduit à portion congrue, se divisa en trois.

On me rétorquera que c’est l’honneur des socialistes que de savoir privilégier la nuance, la pensée complexe, et de fuir le manichéisme comme la peste. Mais si le clair-obscur a fait la fortune de certains grands peintres, il ne réussit guère aux politiques dans les périodes troublées. Pour être audible, nul besoin de grosse caisse : mais il faut que le coup d’archet soit net et précis pour être perçu distinctement dans le brouhaha.

D’où l’importance du débat sur notre positionnement par rapport au nouveau pouvoir. Nous sommes pleinement dans l’opposition. Cela ne signifie pas que nous versions dans la mauvaise foi. Mais que nous soyons capable, sans barguigner, de caractériser le “macronisme”. Les premiers mois du gouvernement Philippe nous y aident, et devraient, enfin, déciller les yeux de ceux qui “attendaient pour voir” ou qui rêvaient tout haut d’un “deuxième temps social-démocrate” du quinquennat. Car derrière le récit parfois habile et l’affichage volontariste, il n’y a rien d’autre qu’une grande entreprise, celle de la normalisation libérale au service d’une minorité de possédants.

Pour une refondation idéologique

Il est banalement évident qu’un parti de gouvernement comme le nôtre ne peut en rester à la seule dénonciation du pouvoir en place, même si celle-ci est un préalable. L’élaboration de contre-propositions est indispensable, quoique compliquée pour un parti qui vient de quitter le pouvoir : les gens nous ont vus à l’œuvre !

Certes, au delà du jugement sévère qu’ils portent sur le quinquennat (et singulièrement sur les deux dernières années qui nous virent sombrer avec la déchéance de nationalité et la loi travail), ils savent que nous ne manquons ni de bons techniciens, ni de bons gestionnaires. Mais cela fait longtemps que ce qui fut notre “base sociale” ne comprend plus quelle est notre visée ultime. Or un projet se nourrit d’une vision du monde, d’une grille de lecture de la société (j’ajouterai aussi d’un vocabulaire, tant celui ci, appauvri et technocratisé à l’extrême, semble souvent déconnecté de la réalité du monde réel). Aujourd’hui, à l’instar de bien des partis frères, nous ne nous contentons souvent que d’une vague allusion au “progressisme”, mot qui ne rassure guère tant il a été galvaudé.

Peut être serait-il donc utile d’en revenir aux fondamentaux : il n’y a pas de socialisme sans contestation radicale du système économique et de l’idéologie dominante qui le sert. Situation ô combien paradoxale ! Jamais la nature morbide du capitalisme n’est apparue aussi crûment dans la lumière. Violent, destructeur, irrationnel, générateur d’inégalités. Invivable donc, pour la majorité des habitants de la planète, et pour la planète elle même. Bref “une force qui va”, certes, mais surtout un système d’accumulation sans morale, sans autre but que sa perpétuation et sa “croissance” illimitée, alimentée par une consommation délirante. Or son emprise culturelle est telle que ceux qui sont censés lui opposer une alternative, à tout le moins organiser la résistance à sa course folle (les mouvements de gauche, et donc le nôtre) paraissent de plus en plus tétanisés, comme effarés par une dynamique qu’ils ont fini par croire irrépressible.

On invoque doctement la “complexité du monde” pour légitimer nos reculs et nos renoncements, là où, justement, les grandes mutations que nous connaissons (numérique, robotisation, urgence écologique, transhumanisme, etc.) rendent plus nécessaires encore la promotion d’une doctrine fondée sur l’émancipation, l’égalité, le primat du politique, le refus de l’argent roi, la souveraineté populaire.

La social-démocratie meurt de ne rien oser. Sa pusillanimité légendaire (quand elle ne se borne pas, au nom de l’audace réformatrice, à singer purement et simplement la droite) peut passer pour de la prudence bienvenue dans ce monde violent et incertain. Faute d’affronter le “mur de l’argent” et de construire un rapport de forces social susceptible d’imposer un compromis favorable au monde du travail, le camp progressiste en est réduit, trop souvent, à promouvoir comme seul et piteux message “avec nous, c’est mieux que si c’était pire”, certes enrubanné dans une communication parfois réussie. Ce social-défaitisme, qui n’est rien d’autre que la théorisation de notre résignation, explique que nous ayons été, progressivement, abandonné par les classes populaires que nous étions censés prioritairement défendre, sans convaincre les classes moyennes qu’on confond, à tort, avec les seuls habitants des métropoles intégrées.

Condamnée à lancer de vains anathèmes contre les “populismes” qui ne se nourrissent que de ses défaillances, à dénoncer le conservatisme “sociétal” de la droite pour mieux s’en approcher sur les questions économiques, la social-démocratie s’éteindra à bas bruit si elle ne reprend pas confiance dans l’actualité de son message et la pertinence de son combat. Cela implique de remettre l’égalité au cœur de son programme. Et d’en tirer toutes les conclusions que cela implique en matière de politiques publiques.

Je n’ai évidemment pas la place ici de développer ce que pourraient être les grandes lignes d’un programme de transformation sociale dans lequel le partage des richesses, des pouvoirs et des savoirs, aurait toute sa place. Je me contenterais d’affirmer qu’en France, le socialisme sera anti-libéral et républicain ou ne sera pas. Car la visée émancipatrice ne concerne pas seulement la sphère économique : la “société de marché” s’accommode en effet fort bien des communautarismes et des différentialismes. A nous de pas renoncer à promouvoir l’idée d’un individu autonome de toutes les tutelles et de tous les clergés (d’où l’importance, par exemple, de la laïcité), dans une société régulée par le garant de l’intérêt général, l’Etat.

En finir avec la théorie des gauches irréconciliables

La plupart d’entre nous en sommes convaincus : Le redressement passera forcément, à terme, par une forme de dépassement. Il serait vain de se référer à des modèles historiques aussi prestigieux qu’anachroniques (le congrès d’Epinay en est un), mais rien n’interdit d’en méditer les logiques qui furent à l’œuvre.

S’affirmer puis se rassembler. Cela devrait être, en quelque sorte, notre viatique. Je ne crois pas utile de raisonner en terme “d’espace politique”. Nous ne sommes pas une part de marché. La question n’est donc pas tant celle de la “place” laissée entre LREM et FI que celle de notre utilité historique. Nous croyons que le socialisme est une idée neuve, c’est aussi simple que ça.

Faut il pour autant en rester à la théorie de l’équidistance, ou, dit autrement, à celle du “ni-ni” (ni Macron, ni Mélenchon) ? Je ne le crois pas. Et notre électorat non plus. Unitaire, il l’est davantage que nous, lui qui se reporte quasiment à 100% sur les candidats de la France Insoumise au deuxième tour des législatives quand ceux-là sont opposés aux candidats d’En Marche ou de LR. Car, aussi choquant que cela puisse paraître à certains, nos différences avec la France Insoumise sont de degré quand celles avec En marche sont de nature.

Rien de ce qui est à gauche ne nous est étranger, et rien de grand ne se fait dans ce pays, pour le monde du travail, sans rassemblement de la gauche.

Ben sûr, celle-ci, dont les contours sont mouvants et l’histoire équivoque, a toujours été plurielle, diverse, traversée par de sérieuses contradictions. Mais notre rôle de militant est précisément de tout faire pour rapprocher les points de vue, unifier les mots d’ordre, en vue de l’action transformatrice commune.

Contre vents et marées, contre les tentations centrifuges, les réflexes boutiquiers, les provocations verbales, nous devons toujours, inlassablement, plaider pour le rassemblement le plus large possible. C’est pourquoi, à la mortifère théorie des “gauches irréconciliables”, nous opposerons toujours la convergence des luttes. Celle-ci viendra. Le plus tôt sera le mieux.

 

A paraître prochainement dans le numéro d'octobre 2017 de la revue de l’office universitaire de recherche socialiste

Emmanuel Maurel, lors du congrès de Poitiers en juin 2015

Emmanuel Maurel, lors du congrès de Poitiers en juin 2015

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6 février 2017 1 06 /02 /février /2017 16:01
Paul Magnette, ministre-président socialiste de Wallonie © BELGAIMAGE

Paul Magnette, ministre-président socialiste de Wallonie © BELGAIMAGE

entretien donné à L'Echo (Belgique), recueilli par Frédéric Rohart et publié le 3 février 2017 à 22h30

Vingt-cinq ans après le traité de Maastricht qui a lancé l’aventure de l’euro, où va l’Union européenne ? L’Echo a demandé à plusieurs personnalités de se projeter dans le quart de siècle à venir pour imaginer comment l’Union pourrait évoluer. Aujourd’hui, l’avis d’un "fédéraliste meurtri", un homme politique wallon qui mène un bras de fer obstiné avec les institutions européennes. Et qui est convaincu qu’il faut des cendres pour permettre au phœnix de renaître.
Après avoir consacré l’essentiel de sa carrière à étudier l’Europe, Paul Magnette se demandait en mai dernier s’il n’était pas en train de devenir "le premier des eurosceptiques socialistes". Mais si le ministre-président wallon est en guerre contre l’Europe "libérale-conservatrice", il n’en reste pas moins un Européen convaincu. Un Européen "meurtri" d’assister à la désintégration de l’Europe, mais convaincu qu’elle permettra l’indispensable renouveau.
L’euro, vous le voyez plutôt comme une réussite ou un échec ?

C’est une monnaie mal pensée. Elle a été conçue selon une logique monétariste : créons une monnaie et l’économie suivra. Cela n’a pas marché. La convergence économique ne s’est pas réellement produite par l’effet de l’euro. Cela n’a pas non plus amené à créer une vraie politique économique européenne : il n’y a pas de vrai budget, pas de vraies ressources propres. Une union monétaire sans union économique a pour seul effet de neutraliser la variable monétaire dans les ajustements entre les Etats membres. Du coup, l’ajustement se fait sur des législations sociales et fiscales qui n’ont pas convergé. Cela a produit ce qu’on pouvait craindre : l’euro a accéléré une dérégulation sociale et fiscale, il a inversé la logique de l’Union européenne.

C’est-à-dire ?

Toute la logique de l’Union européenne est une logique de convergence et de protection. Aujourd’hui, il y a une asymétrie fondamentale : la monnaie est contraignante ; la libéralisation se décide à la majorité absolue des États membres ; mais l’union sociale et l’union fiscale, c’est l’unanimité. Donc il y a quelque chose de bancal dans le système. Ce sont une vingtaine d’années qui ont complètement retourné le sens de l’Union européenne. Parce que jusqu’alors, la logique des traités fondateurs, l’idée c’était toujours : je dé-régule au niveau national mais je re-régule en même temps au niveau européen.

Cette période est aussi celle qui mène aux élargissements de l’Union européenne, une erreur ?

D’un point de vue géopolitique, il fallait faire ces élargissements. Le problème, ce sont les conditions qu’on y a mis qui étaient très faibles. Il aurait fallu dire : il faut un jour entrer dans l’euro, on va vous aider — et vous forcer — à atteindre les conditions économiques, à faire de la convergence. Au lieu de ça, on s’est dit : les travailleurs (roumains, bulgares, polonais, hongrois…) vont aller là où on manque de travail, en Europe occidentale. Et le capital (français, allemand…) va aller là où on manque de capital, en Europe centrale.

C’est précisément ce qui s’est passé.

Oui, du point de vue de l’économie abstraite, c’est formidable : les facteurs s’allouent naturellement là où ils doivent aller. C’est la magie de la main invisible. Sauf que pour les gens, c’est brutal. Dans nos pays, ça déstructure complètement les systèmes de sécurité sociale. Et pour les pays d’Europe centrale, c’est une catastrophe : la Roumanie a perdu les 15% les plus jeunes et les plus costauds de sa population! Et les conséquences politiques sont dramatiques. On est dans un moment de désintégration politique complet. Jusqu’ici l’Europe n’avait jamais reculé, là elle recule. Et ce n’est pas fini à mon avis.

L’Europe recule : vous ne parlez pas seulement du Brexit ?

Non, qui croit encore en l’Europe aujourd’hui ? Moi qui suis un fédéraliste meurtri et un peu désespéré, quand je parle à des étudiants, l’Europe ne représente plus rien pour eux. Par contre elle représente pour tous les perdants de la mondialisation, la cause de tous les problèmes. Donc elle est en train de se désintégrer. Les gens ne le voient pas encore, mais c’est comme un feu de cheminée : ça a pris, c’est invisible, mais à un moment donné, on le verra. Et le Brexit en est le premier symbole.

"J’espère que le Brexit sera suivi par un Polxit, un Hongrexit, un Bulgxit, un Roumaxit…"

À qui la faute ?

Je crois qu’il y a une responsabilité énorme dans le tournant libéral-conservateur. Sans faire tout remonter à Maastricht, le Six Pack, c’est la mort de l’Europe.

Le Six Pack, c’est notamment la menace de sanctions pour les Etats qui ne respectent pas les règles du Pacte de stabilité. Pourquoi était-ce une telle erreur selon vous ?

Parce qu’il a poignardé la catégorie sociale qui avait soutenu le projet européen : la classe moyenne d’Europe occidentale. Le Six Pack a comprimé leur pouvoir d’achat, a prolongé la récession, a aggravé les inégalités. L’Europe s’est privée elle-même de ce qu’était son soutien historique.

Vous visez Angela Merkel, qui l’a porté ?

Merkel a été logique : elle a défendu les intérêts de l’Allemagne. Ce sont ceux qui n’ont pas résisté à Merkel qui sont responsables. José-Manuel Barroso et Herman Van Rompuy d’abord. Et puis François Hollande, qui n’a rien corrigé alors qu’il avait promis qu’il allait renégocier les traités. Plus largement, ces années-là, 2008-2015, sont tragiques: moins parce qu’on a fait que ce qu’on n’a pas fait. Il y a une crise fiscale, il y a des "leaks" partout et on ne fait rien d’ambitieux. On a une récession et on fait un plan Juncker minimaliste. C’est la crise des réfugiés et on confie le problème à Erdogan. On fait démonstration de l’impuissance, de l’inutilité de l’Union européenne telle qu’elle est aujourd’hui. Mais je reste un Européen convaincu.

À condition que l’Europe soit sociale, donc. La recette porteuse pour la gauche, c’est la confrontation, comme vous l’avez faite avec le CETA : montrer aux gens le rapport de force ?

Ce n’est pas la confrontation pour le plaisir: il faut renvoyer la balle à l’Europe. C’est quand même dingue : à la Commission, ils font de l’ingérence dans les matières nationales qui sont extrêmement sensibles. Et ils ne sont pas capables de lutter contre la fraude fiscale ou de gérer le problème des réfugiés.

La Commission s’en prend à Apple, pousse à plus de transparence fiscale, à ce que les profits soient taxés où ils sont produits…

Oui mais c’est mou ! On doit récupérer 1.000 milliards d’euros par an qui nous sont volés. Pour faire avancer la convergence fiscale, il ne faut pas dire : "Bon, je mets une proposition sur la table, qui est d’accord ?" Évidemment qu’il y en aura toujours un qui sera contre, puisque c’est à l’unanimité. La seule manière de faire, c’est de faire de la conditionnalité : "Bon l’Irlande, vous voulez encore des fonds de cohésion ? La condition, c’est que vous acceptiez une norme sociale supérieure." Et il faut faire pareil avec le commerce extérieur. "Bon le Canada, vous voulez faire un accord avec nous ? Alors on met un chapitre fiscal dans le traité commercial." Il faut faire du régime fiscal un objectif absolu. C’est quand même comme ça que Delors arrivait à négocier: il faisait des packages : "Tu veux ça, eh bien tu prends ça."

Depuis votre confrontation sur le CETA, est-ce que vous avez vu un changement d’attitude de la part de la Commission européenne ?

Elle a mis en place un vrai travail sur les mécanismes d’arbitrage. Mais pour le reste, quand je lis Cécilia Malmström encore récemment dans un grand quotidien, le journal me tombe des mains. C’est de l’autisme politique. Il n’y a rien qui change dans son discours et son attitude. Et c’est hallucinant parce qu’il n’y a rien qui va changer dans la nôtre non plus. Donc on va vers de nouvelles confrontations, et je pense qu’on sera de moins en moins seuls.

Trump, Erdogan, Poutine : l’Europe est entourée de leaders qui lui cachent peu leur hostilité. Que peut faire l’Europe à court terme pour reprendre pied ?

À court terme, rien. Que Federica Mogherini ne se fâche avec personne, c’est la moindre des choses qu’on puisse faire pour le moment. Laissons faire le Brexit, après on pourra discuter.

Quel scénario pour l’Europe après le Brexit, dans un horizon de 25 ans ?

J’imagine bien le Brexit être suivi par un Polxit, un Hongrexit, un Roumaxit, un Bulgxit… Si on arrive à négocier un accord dur mais équilibré entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, certains pays se diront qu’un modèle à la britannique est enviable. Donc la Pologne, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie – et peut-être le Danemark et la Suède – sortent de l’Union et nouent des accords commerciaux ou de partenariat.

C’est souhaitable, selon vous ?

Oui, ça permet d’arrêter un peu la concurrence interne : on se retrouve alors avec des pays beaucoup plus proches en termes de niveau de PIB et de modèle socio-économique. L’Union regroupe quand même encore 400 millions d’habitants, on est encore plus nombreux que les États-Unis. On en profite pour signer des accords d’association avec des pays de la Méditerranée. Et avec un peu de chance – c’est horrible ce que je vais dire – mais les Etats-Unis décident d’une intervention unilatérale au Proche-Orient, et les Européens disent NON. Il y a des manifestations un peu partout en Europe : c’est la naissance d’une conscience civique européenne qui ne naîtra que dans l’affrontement. Il faut un "nous contre eux". Et il vaut mieux que ce soit nous Européens, multilatéralistes, légalistes, contre les États-Unis isolés et agressifs. Par la même occasion, on arrête toutes les négociations des traités multilatéraux et bilatéraux et on fait des accords commerciaux purs et on en profite pour renforcer le développement endogène de l’Union européenne.

Comment ?

L’Europe réinvestit massivement, elle mutualise une partie des dettes, et elle finance des grands travaux. Pas des grosses infrastructures type TGV mais des grands chantiers comme la rénovation de l’ensemble du parc énergétique des logements sociaux. On explique aux classes moyennes et populaires que grâce à l’Europe leur facture d’énergie va baisser. On commence doucement à réconcilier les citoyens avec l’Union européenne, on crée de l’emploi, on assure notre indépendance énergétique. Et on redevient les leaders du combat climatique mondial de manière crédible. On doit se donner des objectifs. Mais en mettant de l’argent. Sans quoi ça n’est pas attractif.

"La naissance d’une conscience civique européenne ne naîtra que dans l’affrontement. L’Europe multilatéraliste, légaliste, contre les États-Unis isolés et agressifs."

Dans votre scénario, il faut donc revoir à la hausse le budget de l’Union européenne, qui plafonne à 1% du PIB…

Oui, il faut au minimum le tripler. L’Europe doit rester un cheval léger, garder une administration légère, par contre elle doit avoir un vrai budget d’investissement : un plan Juncker puissance 100. Alors les gens vont commencer à voir des résultats… L’Europe ne fonctionne plus sur la mémoire de son héroïsme, elle ne fonctionne pas sur un patriotisme européen, elle ne fonctionne qu’en démontrant qu’elle est efficace, or elle ne l’est pas.

Le rêve que vous exposez, vous y croyez ? C’est un euphémisme de dire que ce n’est pas un discours dominant…

Je pense que ces élites européennes, qui vivent complètement déconnectées du monde, finiront par être obligées de comprendre. On va aux devants d’une désintégration politique, des pays qui vont devenir ingouvernables, gouvernés par des dingues comme les États-Unis aujourd’hui. Et il y aura des mobilisations civiques massives. Je crois que l’Europe n’échappera pas à une forme de grande désintégration politique, un réveil de la société civile, et l’apparition d’une nouvelle génération politique qui sera plus en phase avec la société civile.

En réponse au Brexit, les États planchent sur une Europe de la défense, ce n’est pas une bonne piste ?

Il faut plus d’Europe sur un pacte énergétique, plus d’Europe des investissements, plus d’Europe des législations sociales, de lutte contre le dumping fiscal, de présence aussi sur la scène étrangère. Mais je crois plus en des accords de partenariat avec les pays du Maghreb, et demain les pays africains qu’en une Europe de la défense. Avec les moyens militaires un peu dérisoires qu’on a sans les Britanniques, l’Europe de la défense, c’est la France…

Manque-t-il aussi une scène politique européenne ? Une circonscription fédérale comme la demande Guy Verhofstadt ?

Il met tout à l’envers. C’est typique des gens qui ne comprennent pas la société. Dire qu’on va changer les institutions pour changer le monde, ça ne marche pas : c’est la société qui bouge. Benoît Hamon, Antonio Costa et même Alexis Tsipras – malgré tout le mal qu'on a pu dire de lui – l'ont compris, eux.

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31 janvier 2017 2 31 /01 /janvier /2017 09:47

Chronique "figure libre" dans L'Opinion publiée le lundi 30 janvier 2017 à 16h21

csuumfpwiaehdhaInstruits que nous sommes de la « complexité du monde », nous nous perdons parfois dans des explications alambiquées là où il faudrait faire simple.

Je suis le premier à traquer structures, fractures et références que révèlent un fait politique. Au point, trop souvent, d’obscurcir une réalité d’une limpide clarté. Ainsi, si Benoît Hamon a gagné, c’est avant tout parce qu’il a fait une excellente campagne, mûrie de longue date, qu’il a su imposer des thèmes qui correspondaient à l’horizon d’attente de celles et ceux qui se déplacent pour une primaire de gauche. Il a su, aussi, bénéficier de trois incontestables points d’appui.

Premier point qu’on finirait presque par oublier : les électeurs de gauche (car les sympathisants socialistes ne sont pas les seuls à s’être déplacés) ont d’abord et avant tout voté pour sanctionner le bilan du quinquennat. Certes, la plupart des candidats avaient participé au gouvernement. Mais soit qu’ils aient occupé un poste mineur, soit qu’ils aient quitté le pouvoir plus tôt, ils sont parvenus à le faire un peu oublier. Ce n’est pas le cas de Manuel Valls, perçu, en dépit de ses efforts, comme le candidat de remplacement du Président sortant, et pour qui le bilan contesté aura été comme le sparadrap du capitaine Haddock. Ajoutons de surcroît que l’ancien Premier ministre avait, en son temps (et il doit sûrement s’en mordre les doigts aujourd’hui), appelé à une clarification entre deux gauches qualifiées par lui d’irréconciliables. Or l’électorat de gauche, même en proie au doute, reste profondément unitaire.

Attrait pour la nouveauté. La deuxième raison évidente, c’est l’attrait pour la nouveauté, qui est la conséquence de ce que j’appellerais la démocratie de la déception. Depuis des mois, chacun allait répétant que les Français ne voulaient pas d’une réédition de la présidentielle de 2012 : les primaires (de droite comme de gauche) en ont offert une éclatante illustration. Tentés de tourner la page à peine ouverte, les votants ont tendance (normale chez les Français) à couper les têtes à partir du moment où elles sont connues. Élimination de Sarkozy, empêchement d’Hollande, défaites de Duflot et de Juppé : on peut sourire de ce plaisir un brin sadique à dégommer les favoris, à ne pas s’en laisser compter, que les amis de Jean-Luc Mélenchon appellent, en référence à des mouvements sud-américains, le « dégagisme ». Mais il en dit long sur la crise de l’efficacité politique, sur la colère qui naît de la distorsion entre les promesses et les actes.

La troisième raison, c’est évidemment l’erreur des concurrents de Hamon, qui n’est pas seulement de l’avoir sous-estimé, mais surtout de l’avoir caricaturé en « candidat de l’utopie ». D’abord parce que les électeurs, et singulièrement ceux de gauche, ne voient pas négativement les candidats qui prétendent imaginer le monde de demain. Il y a, dans une certaine frange de la population, un regain d’intérêt pour les « utopies concrètes », comme en témoigne le succès d’un film documentaire comme Demain.

Il y a dans le succès d’Hamon comme une social-démocratisation de Nuit debout, qui en embrasse à la fois les thèmes et la méthode

Écologie, partage, frugalité : cette version post-marxiste de la critique du système ne fait pas seulement un carton dans la petite bourgeoisie citadine, elle inspire bien des citoyens inquiets de la dynamique effarante du capitalisme d’aujourd’hui. Et, comme c’est souvent le cas à gauche, les victoires politiques prolongent des mouvements sociaux qui se sont souvent soldés par des défaites. Il y a dans le succès d’Hamon comme une social-démocratisation de Nuit debout, qui en embrasse à la fois les thèmes et la méthode.

Proximité bonhomme. Très habilement, le candidat, réfutant l’argument de la « présidentialité » verticale, a au contraire joué de sa proximité bonhomme, un « boy next door » sincère et accessible. De toute façon, Sarkozy et Hollande ont, malgré eux, contribué à dé-jupitériser la fonction. La droite l’accepte moins, mais la gauche s’y résout, voire le désire, tant elle est génétiquement hostile au pouvoir personnel. Et les attaques en « manque de crédibilité » ratent d’autant mieux leur cible quand elles sont proférées par ceux qui ne furent guère efficaces au pouvoir.

Déjà les commentateurs frétillent : et si c’était, enfin, la fin du PS ? Les prémisses du grand schisme ? Et chacun d’évoquer les grands repères de l’histoire récente, à commencer par 1969, date à laquelle Gaston Defferre réalise à peine 5 % à la présidentielle, précipitant la disparition de la SFIO croupissante.

Ceux qui cherchent à réduire le débat d’aujourd’hui à un affrontement entre « gauche de gouvernement » et « gauche radicale » font erreur

Mais la vérité est que nous n’en savons rien. Dans ce paysage politique mouvant incertain, rien ne dit que la centralité du PS à gauche sera réellement remise en cause.

Ce que je sais en revanche, c’est que ceux qui cherchent à réduire le débat d’aujourd’hui à un affrontement entre « gauche de gouvernement » et « gauche radicale » font erreur. Rappelons d’ailleurs qu’à l’exception de l’extrême gauche trotskiste, tous les partis dits « progressistes » engagés dans la campagne ont participé à l’exercice du pouvoir d’Etat, ou à défaut à celui du pouvoir local, avec ce que cela implique de prise en compte des contraintes et d’élaboration de compromis.

En réalité, la gauche tâtonne pour répondre aux trois crises auxquelles tous les partis d’Europe héritiers du mouvement ouvrier sont confrontés. Crise idéologique d’abord, liée à la sidération devant la puissance (et la violence) du capitalisme financier transnational et les conséquences (écologiques, sociales, culturelles) de cette « mondialisation libérale » dans la vie des hommes et des sociétés.

Electorat friable. Crise sociologique ensuite, qui touche davantage la gauche que la droite (laquelle peut s’appuyer sur un socle électoral moins friable), et qui révèle a la fois des fractures de classe et des fractures territoriales. Crise stratégique enfin, qui voit s’affronter les tenants du recentrage libéral, les promoteurs de la synthèse à gauche, les partisans de la social-écologie.

La campagne présidentielle ne réglera évidemment pas ces problèmes structurels. Mais le cap que choisira Benoît Hamon permettra peut-être d’esquisser un début de réponse.

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7 septembre 2016 3 07 /09 /septembre /2016 08:44
TAFTA-CETA : two sides of the same coin ?

TAFTA-CETA : two sides of the same coin ?

L’optimisme feint de la Commission européenne – toujours officiellement confiante quant à une conclusion des négociations fin 2016 – ne trompait plus grand-monde. Par la voix de Matthias Fekl puis de François Hollande, la France semble avoir définitivement porté un coup de grâce au funeste projet d’Accord commercial entre l’Union européenne et les USA. Le TTIP/TAFTA est en état de mort clinique. C’est une victoire pour ceux qui, comme moi, considèrent que le projet d’accord, tel qu’il était négocié, risquait de déposséder les États de leurs capacités à réglementer et à protéger, et ce faisant, contenait davantage de dangers que d’opportunités pour les travailleurs et consommateurs européens.

Maintenant que les négociations TAFTA sont nettement – et apparemment définitivement – dans l’impasse, le débat doit se déplacer vers un autre accord transatlantique dont les négociations, elles, sont définitivement conclues. L’Accord économique et commercial global (AECG/CETA) avec le Canada est encore largement méconnu du grand public mais son entrée en vigueur est bien moins hypothétique que celle du TAFTA. Pour l’instant, deux sons de cloche se font entendre : pour les uns, le CETA serait un « anti-TAFTA » ; pour les autres, il s’agit du « petit frère du TAFTA ».

Après examen attentif de l’accord, il semble bien que l’accord UE-CETA réponde à un agenda tout aussi libéral que celui qui a dicté les négociations de son grand frère états-unien. Certaines dispositions contenues dans le CETA – notamment sur le commerce des services – vont bien-delà de tout ce qui a été envisagé dans le TAFTA. Ce n’est pas un hasard si l’accord a été négocié par l’ancien commissaire De Gucht – un idéologue notoire – avec le gouvernement conservateur de Stephen Harper, dans une opacité plus importante que le TAFTA. Le mandat de négociation a ainsi été rendu public… après la conclusion de l’accord ! Gardons-nous enfin de tout manichéisme : il s’agit d’un accord qui bénéficiera également aux multinationales américaines, puisque 40 000 d’entre elles possèdent des filiales au Canada.

Dès lors, il est tentant de se demander si le CETA et le TAFTA ne sont que deux faces de la même stratégie de dérégulation et d’harmonisation par le bas de la Commission européenne. C’est la question à laquelle nous tenterons de répondre lors de la conférence « CETA, TTIP, two sides of the same coin » que nous avons organisé mardi 6 septembre 2016 dans le cadre du Progressive Caucus, un espace de discussion entre députés européens de gauche* (http://www.unravellingceta.eu/press-release-progressive-members-european-parliament-come-together-unravel-ceta/).

Emmanuel Maurel

* Dans ce même cadre, nous avons lancé la campagne « Unravelling CETA » (« Décortiquer le CETA ») et créé un site en 6 langues pour informer les citoyens européens sur le contenu de l’accord UE-Canada.
Le site ici : http://www.unravellingceta.eu/?lang=fr
La page facebook de la campagne, là : https://www.facebook.com/unravellingCETA/?fref=ts

Emmanuel Maurel concluait mardi 6 septembre au Parlement européen la réunion du Progressive Caucus sur le TAFTA et le CETA, deux faces de la même pièces

Emmanuel Maurel concluait mardi 6 septembre au Parlement européen la réunion du Progressive Caucus sur le TAFTA et le CETA, deux faces de la même pièces

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25 juillet 2016 1 25 /07 /juillet /2016 11:23

Emmanuel Maurel, député socialiste européen, sur le plateau de LCI, le samedi 23 juillet 2016

Emmanuel Maurel, député socialiste européen, sur le plateau de LCI, le samedi 23 juillet 2016

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13 juillet 2016 3 13 /07 /juillet /2016 13:22
Jose Manuel Durao Barroso

Jose Manuel Durao Barroso

On se serait plutôt attendu à l'inverse. Mais la Commission européenne persiste et signe : elle ne condamne pas la reconversion de son ancien président José Manuel Barroso. Contrairement aux eurodéputés français très remontés.

Vendredi 8 juillet, Bruxelles apprenait que la banque d'affaire Goldman Sachs, considérée comme l'un des plus gros responsables de la crise financière, offrait à l'ancien président de la Commission politique une nouvelle carrière au sein de la banque. Dès lundi, les socialistes et radicaux ont publié un communiqué dans lequel ils dénoncent un conflit d'intérêt et invoquent l'article 245 du traité de l'Union européenne pour exiger que l'homme politique renonce à sa retraite d'ancien Président de la Commission. Mais cet article est en fait assez flou. Il estime que les membres de la Commission doivent s'abstenir "de tout acte incompatible avec le caractère de leurs fonctions" et doivent prendre "l'engagement solennel de respecter (...) les devoirs d'honnêteté et de délicatesse quand à l'acceptation, après [la] cessation [de leur activité au sein de l'institution], de certaines fonctions ou de certains avantages". Côté socialiste, Emmanuel Maurel, député européen français, a largement relayé l'appel de son groupe et des radicaux à "des mesures urgentes". Hier, il a été rejoint par l'eurodéputée verte Eva Joly qui entend  faire "durcir l'interdiction de pantouflage".

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13 juillet 2016 3 13 /07 /juillet /2016 13:20
Le conseil ecofin

Le conseil ecofin

Est-ce que l’on s’unit pour se surveiller et se sanctionner ? C’est la question que l’on se pose devant l’attitude de la Commission européenne et surtout du Conseil, qui vient de valider la procédure de sanction contre les États espagnols et portugais, dont les déficits sont supérieurs aux prévisions.

Il s’agit de la première fois que le « Semestre européen » – cet ensemble de règles et d’étapes à observer chaque année par la Commission et les États – est poussé aussi loin. La Commission a d’ailleurs elle-même, à partir d’un certain point, les mains liées. Elle a temporisé en novembre pour ne pas perturber les élections espagnoles, et se l’est vue vertement reprochée par les gouvernements pro-austérité. Mais cette nouvelle étape dans le procès en discipline budgétaire qu’est devenue l’Union européenne traduit bien le caractère automatique du processus.

Comme une machine dont on perd le contrôle, le mouvement s’est brutalement accéléré avec cette décision des États membres : sous 30 jours, l’Espagne et le Portugal feront l’objet de sanctions, et même si les amendes sont réduites à zéro, l’effet et le signal envoyé aux autres démocraties ainsi qu’aux marchés qui ont les yeux rivés sur les décisions du Conseil (les 28).
L’aveuglement est total : politique, car cela signifie que les gouvernements européens n’ont tiré aucune leçon de l’avertissement donné par le référendum sur le Brexit ; technique, puisque l’on se demande comment des sanctions financières vont aider un pays à retrouver l’équilibre budgétaire ; enfin démocratique, car on voit bien que les outils du Pacte de Stabilité et de Croissance deviennent des instruments inacceptables d’ingérence.

L’exécrable décision d’aujourd’hui me confirme aussi dans ma conviction que l’Europe doit résolument tourner le dos à la « gouvernance par les règles » qui ne produit que des effets délétères, et devenir un véritable véhicule d’intervention au service des projets paneuropéens.

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12 juillet 2016 2 12 /07 /juillet /2016 15:47

Emmanuel Maurel était interviewé par son collègue député européen Guillaume Balas sur une initiative qu'il a lancée il y a quelques semaines : l’Europe des projets. Pour rappel, vous pouvez consulter les premières propositions déjà en ligne sur le site www.europedesprojets.eu.

Guillaume Balas et Emmanuel Maurel, députés socialistes européens, au Parlement européen en juillet 2016

Guillaume Balas et Emmanuel Maurel, députés socialistes européens, au Parlement européen en juillet 2016

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11 juillet 2016 1 11 /07 /juillet /2016 14:52

communiqué de la délégation socialiste française au Parlement Européen - 11 juillet 2016

Les eurodéputés socialistes et radicaux ont condamné, dès vendredi dernier, le recrutement de M. Barroso comme président non-exécutif des activités internationales de Goldman-Sachs (http://www.deputes-socialistes.eu/de-quoi-barroso-est-il-le-nom/). M Barroso sera également conseiller auprès du groupe bancaire, notamment en charge du Brexit. Nous appelons Goldman-Sachs à renoncer à cette embauche.

Parce qu’un tel recrutement est indécent, indigne et honteux, la délégation socialiste française au Parlement européen va entreprendre toutes les démarches pour le rendre impossible.

D’abord, il s’agit d’une violation claire et manifeste de l’article 245 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne[1] et du serment fait par M. Barroso le 3 mai 2010[2]Nous demandons ainsi la déchéance du droit à pension de M. Barroso ainsi que des autres avantages en tenant lieu. M. Barroso a déjà coûté trop cher à l’Europe.

Ensuite, nous demandons une révision du code de conduite pour porter à une législature – 5 ans – les règles anti-pantouflage, qui, à ce jour, ne courent que pendant les 18 mois suivant la fin du mandat des commissaires.

Enfin, si ce recrutement devait malgré tout se concrétiser, nous exigeons une traçabilité intégrale d’absolument tous les contacts entre M. Barroso et ses équipes avec des membres, des fonctionnaires et des représentants de la Commission européenne, du Parlement européen, et du Conseil. Au premier manquement, des sanctions – comme le boycott de Goldman Sachs par les Etats membres – devraient être envisagées.

En conclusion, nous lançons un avertissement à Goldman-Sachs : l’objectif affiché par ce recrutement est de contourner la perte du « passeport européen » pour les banques situées au Royaume-Uni suite au Brexit. Goldman-Sachs peut bien dépenser des milliards en lobbying comme Philip-Morris :pour qu’une banque basée au Royaume-Uni puisse exercer son métier dans les différents pays de l’Union après le Brexit, elle devra respecter l’ensemble de la législation européenne en matière bancaire, et à la seule condition que son pays paye pour un tel accès au marché européen. Le Parlement européen ne devrait accepter aucune autre formule.

 

[1] Article 245

Les membres de la Commission s’abstiennent de tout acte incompatible avec le caractère de leurs fonctions. Les États membres respectent leur indépendance et ne cherchent pas à les influencer dans l’exécution de leur tâche.

Les membres de la Commission ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, exercer aucune autre activité professionnelle, rémunérée ou non. Ils prennent, lors de leur installation, l’engagement solennel de respecter, pendant la durée de leurs fonctions et après la cessation de celles-ci, les obligations découlant de leur charge, notamment les devoirs d’honnêteté et de délicatesse quant à l’acceptation, après cette cessation, de certaines fonctions ou de certains avantages. En cas de violation de ces obligations, la Cour de justice, saisie par le Conseil, statuant à la majorité simple, ou par la Commission, peut, selon le cas, prononcer la démission d’office dans les conditions de l’article 247 ou la déchéance du droit à pension de l’intéressé ou d’autres avantages en tenant lieu.

 

[2] http://europa.eu/rapid/press-release_IP-10-487_fr.htm

José Manoel Durao Barroso

José Manoel Durao Barroso

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