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14 janvier 2016 4 14 /01 /janvier /2016 10:46
Répondre à l’état d’urgence économique et social : Sortir des sentiers battus pour l’emploi - Engager un collectif budgétaire de 12 milliards d’euros

Dans ses vœux aux Français, François Hollande a déclaré le pays en « état d’urgence économique et social ». Malheureusement, les pistes annoncées par le Président de la République pour y répondre ne permettent pas de relancer la machine économique.

Le patronat qui avait promis 1 million d’emplois si le gouvernement mettait en place le pacte de responsabilité reprend son offensive en exigeant maintenant la flexibilité de tous les contrats de travail, croyant pouvoir ainsi se dédouaner de ses responsabilités et masquer l’échec de ce pacte.

Moins de 24 heures après l’exigence du MEDEF relative au plafonnement des indemnités prud’homales, le gouvernement s’exécute déjà en lui promettant de le mettre en place pour tous les salariés de toutes les entreprises.

Nous ne nous résolvons pas à continuer dans cette impasse que constitue la politique économique du gouvernement. Elle n’offre au mieux qu’un horizon de croissance faible, en dessous du niveau nécessaire pour faire reculer le chômage.

C’est bien une politique de relance qu’il nous faut maintenant engager.

Nous proposons un plan de 12 milliards d’euros qui permettrait une croissance de plus de 2% en 2016 (1,5% prévu et 0,9% supplémentaire induit par ce plan) et de faire réellement reculer le chômage. Ce faisant, la gauche se tournera ainsi résolument vers l’avenir et pourra envisager l’année 2017 forte d’une vraie stratégie économique et sociale proposée aux français.

Ce plan comprend:

  • Du pouvoir d’achat, immédiatement, pour ceux qui en ont le plus besoin

- L’augmentation du SMIC horaire brut d’un euro (environ +10%) représenterait un gain mensuel de 100€ et bénéficierait directement ou indirectement à 6 millions de salariés. Le SMIC n’est supérieur que de 150€ au seuil de pauvreté et une telle amélioration répondrait à l’insuffisance de la demande, bien plus pénalisante pour les entreprises que la faiblesse de leurs marges.

- L’allongement de l’indemnisation du chômage, le renforcement du chômage partiel et le versement automatique de la prime d’activité pour qu’elle profite réellement à tous ceux qui y ont droit..

- Le rattrapage des prestations familiales sous condition de ressources (parents isolés, …) dont le niveau n’a pas suivi l’évolution des revenus et des besoins de la vie courante.

- La relance de l’impôt citoyen (barème unique de CSG quels que soit les revenus permettant de réduire cet impôt pour les plus modestes, restauration de la progressivité de l’impôt sur le revenu par la limitation des niches fiscales et des abattements au profit des revenus du capital).

            La plus grande partie de ce pouvoir d’achat supplémentaire ira à la consommation, parce que les plus modestes épargnent peu, et au secteur productif français, car les importations ne représentent qu’une partie mineure de la consommation, contrairement à ce que l’on entend souvent.

  • L’investissement dans l’avenir : le logement, la transition énergétique et l’économie de la connaissance

- Relancer le bâtiment tout en répondant à une forte demande sociale (relance de l’aide à la pierre pour atteindre 150 000 HLM par an et prime d’accession sociale à la propriété).

- Accélérer la transition écologique (contrat Etat-Régions sur un programme de rénovation des bâtiments et le développement des énergies renouvelables, lancement de grands travaux comme un plan global d’électrification du parc automobile avec l’accélération du déploiement des bornes de recharge et du renouvellement des flottes publiques).

- Devenir une grande puissance de l’économie de la connaissance avec un programme de remise à niveau d’urgence des moyens de fonctionnement des universités et des institutions de la recherche publique, dont les équipements, les conditions de travail et le niveau des rémunérations ne sont pas aux standards internationaux ; et en lançant une allocation d’autonomie pour les étudiants. Création d’un haut-commissariat pour le digital et le numérique qui pourrait bénéficier d’une partie des fonds du livret A aujourd’hui captés par les banques.

Ce plan est entièrement autofinancé par le surplus de recettes fiscales induit par ce rebond de l’activité (12,2 milliards d’impulsion budgétaire augmentent le PIB de 21 milliards en appliquant le multiplicateur du FMI de 1,7 soit entre 0,9 et 1 point de PIB supplémentaire et 9,5 milliards de recettes supplémentaires en apposant le taux de prélèvement obligatoire de 45%) auquel nous ajoutons la reprise de certains cadeaux inutiles accordés aux entreprises comme la baisse de la C3S (1 milliard en 2016) ou l’annulation de la suppression de la contribution exceptionnelle d’impôt sur les sociétés (2,5 milliards).

Nous estimons que 2016 doit être une année utile et ne peut se limiter à la préparation de l’élection présidentielle. En dépit d’un prix du pétrole bas et d’un euro faible, la conjoncture mondiale, la situation de l’Union Européenne et de la France restent inquiétantes. En particulier, notre pays, dont la croissance a commencé à « décrocher » de celle de ses partenaires, ne saurait attendre un rebond de l’extérieur, la France a des marges de manœuvre qu’elle doit utiliser avec volontarisme.

Nous demandons au Président de la République de prendre immédiatement des mesures à la hauteur de l’urgence et souhaitons que les forces de gauche et écologistes se mobilisent pour obtenir un collectif budgétaire en ce sens.

Emmanuel Maurel, Marie-Noëlle Lienemann, Jérôme Guedj, membres du Bureau National du PS, et Daniel Vasseur, économiste

Emploi Agir Maintenant

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5 janvier 2016 2 05 /01 /janvier /2016 11:50
Nous refusons la déchéance de nationalité aux binationaux nés Français

L'exécutif a confirmé mercredi 23 décembre 2015 sa volonté d’inscrire la déchéance de la nationalité pour les binationaux nés Français ayant commis des actes de terrorisme dans la Constitution. Nous refusons l'extension du principe de déchéance et sa constitutionnalisation.


1- Cette mesure n'a strictement aucune efficacité, et c'est admis par ses propres promoteurs
On ne voit pas comment la déchéance de nationalité pourrait faire peur à des terroristes qui ne craignent pas de se faire exploser ou mourir. Certains des candidats au djihadisme brûlent d'ailleurs leurs passeports en arrivant en Syrie, en Irak ou au Yémen. En matière de lutte contre le terrorisme, ça n’a aucun sens et c’est même contre-productif au niveau international, car on va renvoyer des gens vers d’autres pays où ils pourront tout autant poursuivre leurs activités dangereuses.


2- cette mesure n'est en pratique pas ou peu applicable
Le Premier Ministre a précisé que les personnes frappées par cette déchéance seraient jugées et condamnées en France et purgeraient leur peine de prison en France ; ce ne serait donc qu'à l'issue de leur peine qu'ayant été déchues de la nationalité française, elles seraient expulsées. Un tel dispositif n'est pas pertinent et même contre-productif, car il implique de perdre la maîtrise et la surveillance sur des individus qui resteraient potentiellement dangereux. Dans certains cas, notamment pour l'Algérie, les personnes concernées par une telle procédure ne pourraient pas être expulsées car menacées de la peine de mort. C’est le cas d’Algériens condamnés pour faits de terrorismes et toujours en France ; la déchéance de nationalité perd alors tout sens si elle en avait un.
Enfin le projet de loi ne prend pas en compte l’idée de nationalité effective. Certains Etats donnent leur nationalité sans qu’on le demande, comme le Maroc pour les descendants de Marocains ou, d’une autre manière, Israël avec la Loi du retour pour les Juifs. Il faudrait donc introduire la notion de lien effectif, par exemple la demande d’un passeport. Or le projet de loi ne comporte pas cette distinction et l’on peut se demander quel serait le sens de la déchéance d’un individu né français et possédant une autre nationalité d’un pays dont il ne connaît absolument rien. Par ailleurs si l’autre pays décide aussi sa déchéance de nationalité, il deviendra apatride sauf a chercher quel est le pays qui a prononcé sa déchéance le premier. On imagine les imbroglios juridiques…


3- sans efficacité, inapplicable, le gouvernement veut donc agir sur les symboles. C’est à mauvais escient. Les symboles à défendre sont ceux de notre tradition républicaine.
La première préoccupation des autorités devrait être la cohésion nationale, la cohésion entre tous les Français quelles que soient leur origines. Or, Si cette réforme constitutionnelle était adoptée, elle inscrirait la marque dans notre loi fondamentale d’une différence entre deux catégories de Français, la marque de divisions parfaitement artificielles. Cela aura des effets très négatifs sur la cohésion que nous devons rechercher et probablement aucun effet réel contre le terrorisme. Un binational est un Français à part entière aux droits strictement identiques aux autres. Commencer fusse pour des exceptions à rompre avec cette notion laisse entrevoir la possibilité de le faire pour d’autres si l’intérêt national était en jeu. C’est à haut risque 
L’idée que des enfants nés Français ne rentreraient pas tous strictement dans le même cadre constitutionnel est une entorse aux principes du droit du sol, principe datant de la Révolution française et que l’extrême droite a toujours contesté. Si c’est une affaire de symbole, alors tenons bon sur nos principes et ne cédons ni à la poussée du FN, ni à l’idéologie islamiste qui conteste nos valeurs républicaines.
Certes la mesure ne doit viser que les terroristes mais une fois constitutionnalisée, la mesure peut «évoluer» au cours du temps et la notion de terrorisme, de crime contre le pays aussi. Evidemment en temps normal, quand la démocratie fonctionne bien, les risques sont plus que limités. Mais la constitution est aussi là pour nous garantir quand le pays, ses gouvernants sont tentés de dériver, de s’écarter de nos fondamentaux.

Enfin, il nous parait utile de préciser - puisque ceux qui à gauche défendent soudainement une position que nous avons toujours combattue saluent le respect de l'avis du Conseil d'État par l'exécutif - que le Conseil d'État ne s'est absolument pas prononcé sur le fond du débat laissant à l'exécutif l'entière responsabilité de ses choix. Il n'est donc pas possible de se cacher derrière cet avis pour y trouver une quelconque onction juridique et républicaine.


4- L'adoption de cette mesure serait une victoire de l'extrême droite, divisant la gauche, mettant à mal l'unité nationale et ouvrant la porte à des nouvelles extensions. 
Pourquoi reprendre à notre compte une proposition de toujours de Jean-Marie Le Pen et du FN que toute la gauche et le PS ont toujours combattu. Pourquoi reprendre une proposition de Nicolas Sarkozy dans son fameux discours de Grenoble que nous avons fustigé ? 
Pourquoi infliger une défaite culturelle supplémentaire à la gauche, qui plus est en la divisant ? Ce n’est pas pour lutter efficacement contre le terrorisme, c’est donc purement pour faire un coup politique, faire un pas de plus dans la triangulation, c’est-à-dire prendre les propositions du camp adverse pour espérer convaincre une partie de son électorat. Faire croire qu’on fait vivre l’union nationale. Que signifie l’union nationale avec des propositions qui rassemble la droite, le FN et divise une large partie de la gauche. Tout cela parce que le président s’était aventuré sur cette pente glissante au Congrès de Versailles et pour asseoir – parait il – son autorité, il faudrait persister dans l’erreur. On risque de voir refleurir le leitmotiv de ce quinquennat : on ne peut pas se diviser, surtout dans des temps aussi difficiles, donc abjurons-nous. Depuis toujours la gauche et bien des républicains ont été contre cette mesure, rien ne justifie qu’on cède. Ni les difficultés de François Hollande à affirmer son autorité, à convaincre les Français, ni l’urgence de la situation. D’ailleurs l’urgence n’est pas seulement sur le terrain de la sécurité, elle est aussi sociale.

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18 décembre 2015 5 18 /12 /décembre /2015 17:11

Emmanuel Maurel était jeudi 17 décembre 2015 l'invité de l'émission "On va plus loin" de Public Sénat, pour parler du sommet européen consacré à l'enjeu migratoire.


On va plus loin : Le défi des frontières... par publicsenat

Emmanuel Maurel, député européen socialiste, sur le plateau de Public Sénat, le jeudi 17 décembre 2015

Emmanuel Maurel, député européen socialiste, sur le plateau de Public Sénat, le jeudi 17 décembre 2015

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17 décembre 2015 4 17 /12 /décembre /2015 17:04

imagePar Emmanuel Maurel, Eurodéputé, membre de la commission spéciale TAXE sur les pratiques d’optimisation fiscale des entreprises — 17 décembre 2015 à 16:13 - Libération

Dans la nuit de mardi à mercredi, les députés ont rejeté l'amendement instaurant en France le reporting, l'obligation pour les grandes entreprises de rendre publics leurs activités et impôts payés à l'étranger. Il s'agit pourtant d'une nécessité démocratique.

Hier à l’Assemblée Nationale, la France a manqué une occasion d’être crédible dans sa volonté de contrecarrer les pratiques fiscales des multinationales.

Près de 80 milliards d’euros. C’est ce que les finances publiques françaises perdent chaque année en optimisation, fraude et évasion fiscale. La plus grande partie de cet argent est soustraite au fisc français par des grands groupes, des multinationales, qui pratiquent des montages complexes et opaques, impliquant le plus souvent un paradis fiscal ou un territoire particulièrement clément sur la fiscalité… Dans ce contexte de mondialisation de l’optimisation fiscale agressive, il devient donc essentiel de pouvoir «tracer» les bénéfices des entreprises, et s’assurer que l’impôt est bien payé là où l’activité économique a lieu, et où les employés sont présents.

Or bien souvent, les Etats, et les Etats européens eux-mêmes, comme l’a rappelé le scandale Luxleaks, autorisent les multinationales, à travers des accords passés avec elle, à pratiquer ces montages complexes et opaques qui creusent le trou des recettes publiques. C’est la raison pour laquelle il est crucial que soit rendue complètement transparents la carte des bénéfices des multinationales. Non seulement aux administrations, mais aussi aux journalistes d’investigation, aux lanceurs d’alerte, et à tout citoyen intéressé.

Conscient de cette nécessité démocratique, le Parlement européen, malgré les réticences de la Commission européenne et du Conseil a élaboré puis voté en 2015 plusieurs textes qui recommandent de mettre en œuvre une telle transparence. Le dernier en date a été adopté mercredi 16 décembre. Dans chacun de ces textes, nous nous prononçons en faveur d’un «reporting pays par pays» des multinationales, obligatoire et surtout public. Les parlementaires européens de tous bords, socialistes comme conservateurs, ont soutenu cette mesure à chaque fois.

La déclaration est simple à réaliser, les entreprises disposant déjà de ces informations sur leur activité, leurs bénéfices, les impôts payés et leurs effectifs pays par pays, mais elles s’en tiennent opportunément à une publication dite «consolidée» (à l’échelle globale du groupe) de ces rapports.

Or cette mesure constitue la clef de toute étape ultérieure de lutte pour identifier et empêcher les montages fiscaux abusifs, et par conséquent, pour restituer aux recettes publiques l’argent de l’optimisation fiscale agressive et de l’évasion fiscale. Les lanceurs d’alerte, les journalistes, les ONG, les économistes sont unanimes sur ce point : un reporting pays par pays n’aura d’effet significatif sur les pratiques des multinationales que s’il est complet et public.

La France l’a déjà rendu obligatoire et public pour les banques en 2013, sans qu’on ait constaté de quelconques difficultés pour elles depuis cette date…

L’attitude du secrétaire d’Etat au Budget n’en est donc que plus surprenante. Hier, dans la précipitation, il a bloqué la mesure au milieu du gué. Certes, le reporting pays par pays est passé, mais il ne sera pas public. Christian Eckert a fait retirer du budget rectificatif pour 2015 l’amendement Cherki-Galut-Potier qui l’introduisait. C’est encore une triste illustration des atteintes que la Ve République permet de porter aux décisions parlementaires. À 1h30 du matin, alors même que l’amendement est adopté par une majorité de députés, Christian Eckert fait interrompre la séance 40 minutes. Aux moyens d’arguments fallacieux, car les études montrent que la compétitivité des multinationales se trouve le plus souvent renforcée par la transparence, il demande à une poignée de parlementaires de modifier leur décision. Un second vote est convoqué et cette mesure, tant attendue en Europe, préconisée par tous les spécialistes de l’optimisation fiscale, est rejetée, aux termes d’un véritable coup de force.

En tant que citoyen, c’est un immense dépit de savoir que l’on se prive des premiers moyens nécessaires pour rétablir l’équité fiscale entre les ménages, les PME, et les grands groupes qui payent en France, une fois leurs montages appliqués, moins de 10% d’impôt sur les sociétés …

Et en tant que citoyen et parlementaire, j’y vois une preuve supplémentaire qu’on n’aboutit qu’au pire en bafouant les décisions du Parlement !

Le ministre des Finances Michel Sapin doit présenter début 2016 une loi-cadre sur la transparence : quelle est désormais sa crédibilité ? Son secrétaire d’Etat vient de rejeter brutalement le niveau nécessaire de transparence pour lutter contre les pratiques fiscales aux marges de la légalité.

Il ne s’agit pas d’être «pro» ou «anti» entreprises, car cette mesure, je voudrais le souligner encore, ne porte pas préjudice, même en matière de concurrence, aux entreprises concernées. Il s’agit seulement, et c’est bien le minimum si l’on entend œuvrer pour la justice fiscale, de savoir où partent les profits qui ne sont pas imposés en France, et donc de rétablir un droit fondamental : l’égalité devant l’impôt.

Le Luxembourg, au cœur du scandale «LuxLeaks», n'est pas le seul pays à bénéficier de l'optimisation fiscale des entreprises. AFP

Le Luxembourg, au cœur du scandale «LuxLeaks», n'est pas le seul pays à bénéficier de l'optimisation fiscale des entreprises. AFP

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17 décembre 2015 4 17 /12 /décembre /2015 16:26

Le Parti Socialiste ne peut échapper à la triste réalité sortie des urnes en 2014 et en 2015 avec au compteur 4 défaites électorales successives et un tripartisme « des 3 tiers » solidement installé au niveau national. Seul le mode électoral nous permet de sauver les apparences aux régionales avec 5 régions. Après un « ouf » de soulagement tellement fut grande la peur d’une déroute, nous devons être capables de faire l’analyse de la gravité de la situation et de ses causes profondes. Si d’aventure, et le mot est choisi à dessein, nous nous contentions de rechercher la meilleure stratégie pour 2017, à savoir comment atteindre le second tour face à Marine Le Pen, nous nous condamnerions et toute la Gauche avec nous.

Si cette hypothèse devait être notre seul horizon, alors ceux qui nous promettent depuis longtemps la fin du Socialisme, de son nom et de son histoire, les mêmes qui s’acharnent à le détruire méthodiquement au profit d’une nouvelle maison commune, telle une taverne où chacun pourra trouver à boire et à manger, en seraient les fossoyeurs lucides et beaucoup d’entre nous devraient alors en tirer les conséquences. Notre engagement politique ne saurait se dissoudre dans une alliance de circonstance servie par un discours de « rassemblement au-delà des clivages traditionnels », au service d’une rhétorique d’autorité, un tantinet identitaire, fortement sécuritaire, d’une politique économique et sociale sans boussole et écolo compatible par nécessité.

Lorsque la République est brandie en étendard au risque inconsidéré d’être une nouvelle ligne Maginot, elle empêche l’analyse critique de la situation, sauf à confirmer peut-être que notre réflexion ne produit plus rien, que nous pensons plus rien, ce que je ne crois pas.

Pour prendre l’exemple des totems républicains, Liberté, Egalité, Fraternité, Laïcité, il est manifeste que nous ne pensons pas la même chose que la droite républicaine elle-même divisée, pas la même chose peut-être que nos partenaires de Gauche, pas la même chose entre nous. Il nous faut réinterroger chacun d’entre eux, les confronter pour les conforter, au-delà de nos certitudes et de notre paresse collective. Qui lit encore, je parle de la majorité de nos militants, nos textes d’orientation ou les motions qui agitent nos congrès.

- La liberté peut-elle être une valeur à géométrie variable selon les évènements ?

- L’égalité réelle a-t-elle définitivement vécue face à l’épreuve de la réalité ?

- La fraternité n’est-elle pas en voie de désintégration face à la xénophobie ?

- La laïcité n’est-elle pas devenue le champ clos d’exégètes douteux ?

Chers amis, chers camarades, il est plus que temps de soigner notre torticolis bloqué vers la droite. Nous serons convalescents dès lors que saurons à nouveau tourner la tête à Gauche.

Gérard Sebaoun, député socialiste de la quatrième circonscription du Val-d'Oise

Gérard Sebaoun, député socialiste de la quatrième circonscription du Val-d'Oise

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 20:31
Emmanuel Maurel, lors de la minute de silence au Parlement européen, le lundi 16 novembre 2015

Emmanuel Maurel, lors de la minute de silence au Parlement européen, le lundi 16 novembre 2015

Le 13 novembre, la France était terriblement éprouvée. Longtemps encore nous subirons l’onde de choc de ce jour funeste qui a vu 130 innocents mourir sous les balles des terroristes, et qui fait écho, dans l’esprit de nos concitoyens, aux attentats de janvier dernier.

Sur le plan intérieur comme extérieur, la République doit se protéger. Sans se laisser dominer par l’émotion qui, bien que légitime, est rarement bonne conseillère. Sans recourir à une rhétorique martiale aussi spectaculaire que vaine.

Agir juste et rapidement sans tomber dans la précipitation, la communication brouillonne ou la surenchère : pour une démocratie en deuil, c’est la principale difficulté. Il faut être capable de concilier fermeté et sang-froid, d’améliorer la sécurité de nos concitoyens tout en protégeant les libertés fondamentales et nos principes intangibles.

On n’éradique pas le terrorisme en quelques semaines. Il s’agit là, chacun le sait, d’un combat de longue haleine et, qui plus est, d’un combat mondial. Car si notre pays a payé un très lourd tribut en janvier et en novembre, nous ne pouvons oublier que, chaque jour, le terrorisme frappe un pays, une population – Tunisie, Liban, Mali, Russie, Kenya, Nigéria, Cameroun ont été également victimes de redoutables attaques ces dernières semaines.

Dès lors, rien de plus absurde que de voir dans les exactions des djihadistes l’expression d’un supposé “choc de civilisations”. Les terroristes frappent indistinctement toutes les sociétés, et l’on serait bien en peine de définir la “civilisation” au nom de laquelle ils agiraient. Répétons-le : face à ces injures à des valeurs universelles mûries par l’histoire, nous devons agir au nom de ce même universel.

L’emprise territoriale de Daech, sa force de frappe financière et ses diverses méthodes de recrutement rendront sa destruction longue et fastidieuse : il est indispensable de le combattre sur tous les fronts de manière simultanée.

Le recours à l’action militaire peut se justifier : Daech contrôle un territoire identifié, englobant une partie de la Syrie et de l’Irak. Il faut bien entendu que la France continue de frapper militairement ses bases et ses camps d’entraînement à Rakka et à Mossoul. Pour être efficaces, ces frappes doivent cependant être extrêmement ciblées et épargner les civils piégés dans les villes, d’autant plus que Daech prospère, au Moyen-Orient et même en Europe, sur cette spirale vengeresse.

Mais, si elle s’avère parfois nécessaire, la réponse militaire (surtout lorsqu’il s’agit de frappes aériennes) est rarement la plus efficace. Elle peut même, souvent, se révéler contre-productive. Nous avons tous en tête les dramatiques erreurs précédentes (l’intervention américaine en Irak en est une) qui ont conduit au chaos et au ressentiment d’une partie de la population, et ont nourri le fanatisme et la violence.

Dès lors, il fait redoubler d’efforts en matière diplomatique. Le président de la République a raison de tenter de rassembler la coalition la plus large possible, soutenue par l’ONU. Inclure la Russie et l’Iran est une initiative de bon sens. Cela va de soi, toute naïveté est à proscrire : chacun a en tête la position ambigüe de la Turquie, chacun connaît les liaisons coupables qu’entretiennent, directement ou indirectement, certains pays arabes avec le fondamentalisme islamiste.

La France serait bien inspirée de remettre en cause des choix diplomatiques hésitants, trop souvent guidés par de seules considérations économiques. Les liaisons dangereuses avec les pétromonarchies du Golfe en sont une navrante illustration. Car c’est aussi en combattant Daech au ventre, c’est-à-dire en le privant de ses financements étrangers et de toute possibilité de vendre pétrole et œuvres d’art, que l’on atténuera son potentiel destructeur.

L’Union Européenne, elle, doit prendre la mesure du phénomène et imaginer une réplique à la hauteur de l’enjeu.

Nos partenaires doivent ainsi comprendre que la France ne peut pas être la seule à assurer la sécurité de toute l’Union européenne dans la région et à être prise pour cible à ce titre. Dans cette optique, l’activation de la clause de solidarité européenne ainsi que les déclarations de David Cameron à Paris sont encourageantes.

Les 28 États membres doivent honorer enfin leurs engagements en matière d’aide au développement, car la stagnation économique engendre l’instabilité politique. Ils ne doivent pas non plus transiger sur l’accueil de réfugiés, qui, dans leur immense majorité, fuient l’ennemi que l’on combat.

Gardons-nous, enfin, quand nous en appelons à une “réponse européenne”, de toute affirmation péremptoire : non, l’instauration d’un PNR n’est en rien la panacée en matière de lutte contre le terrorisme. Une meilleure coordination des services de renseignement et l’amélioration de la coopération judiciaire participent davantage de la solution. Quant au contrôle extérieur des frontières de l’Europe, il passe par un déploiement considérable de moyens humains et financiers qui sont pour l’instant impossibles à mobiliser compte tenu du carcan absurde du pacte de stabilité et du budget ridicule dont dispose l’Union.

Reste que tous nos efforts diplomatico-militaires sont condamnés à l’échec si nous ne faisons pas preuve de volontarisme, de lucidité, de constance, pour attaquer le terrorisme à la racine.

C’est peut-être là la tâche la plus difficile : il faut résister à la facilité des analyses univoques (l’extrême droite, bien sûr, mais aussi une partie de la droite, n’ont pas leur pareil pour offrir grilles de lecture simplistes et préconisations aussi virulentes qu’inefficaces) et appréhender le phénomène terroriste dans toute sa complexité. Le profil et l’itinéraire des djihadistes prouvent que les explications exclusivement sociales, religieuses, psychologiques, idéologiques ne rendent pas compte de la réalité.

Depuis le 13 novembre, les tribunes et autres analyses se succèdent, se contredisent plus souvent qu’elles ne se complètent, témoignant de la sidération qui nous frappe devant une telle pulsion de destruction, illustrant la difficulté à comprendre que de tels actes, commis par des barbares qui sont parfois français ou européens, puissent avoir lieu sur notre sol. Cette floraison de textes aussi partiels que partiaux est normale et saine dans une démocratie. L’indispensable prise de recul n’empêche pas l’action, elle l’accompagne et, parfois, l’inspire.

Pour le gouvernement, il s’agissait évidemment de prendre les mesures qui s’imposent pour rassurer nos compatriotes et assurer leur sécurité sans rogner sur leurs libertés fondamentales. La prolongation de l’état d’urgence a choqué nombre de camarades, dont les arguments ne manquent pas de pertinence. En ce qui me concerne, je suis prêt à me résoudre à certaines dispositions exceptionnelles pourvu qu’elles soient encadrées et temporaires. C’est le cas. Je ne comprends pas, en revanche, qu’on envisage aujourd’hui des modifications constitutionnelles dont j’ai du mal à voir en quoi elles seraient susceptibles de répondre au défi auquel la France est confrontée.
Il me paraît plus utile de déployer d’importants moyens pour améliorer l’efficacité des services de renseignement – qui ont beaucoup perdu de temps depuis les attentat commis par Mohamed Merah – et pour renforcer nos services publics, dont on prend conscience, à chaque situation de crise grave, à quel point ils sont essentiels à la cohésion de la nation. Dans ces circonstances, l’abandon de la logique comptable va de soi. Car partout où la République se retire, c’est potentiellement l’obscurantisme qui progresse et la violence qui prospère.

Pour aller plus loin :

L’explication de vote de Marie-Noëlle Lienemann sur l’état d’urgence

Parmi les très nombreuses analyses parues, forcément partielles ou partiales, je me permets de vous conseiller les trois suivantes, afin d’alimenter votre réflexion :

Gilles Kepel : « Le 13 novembre ? Le résultat d’une faillite des élites politiques françaises »

Olivier Roy : « Le djihadisme est une révolte générationnelle et nihiliste »

Marcel Gauchet : « Le fondamentalisme islamique est le signe paradoxal de la sortie du religieux »

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30 novembre 2015 1 30 /11 /novembre /2015 11:14
Christian Paul, député socialiste, premier signataire de la motion B "à gauche pour gagner !"

Christian Paul, député socialiste, premier signataire de la motion B "à gauche pour gagner !"

The Huffington PostPublication: Mis à jour: 

POLITIQUE - L'urgence de la réaction aux attentats de Paris est de protéger les Français. Mais parce que l'offensive terroriste ne s'arrêtera pas là, il devient prioritaire de rechercher des réponses durables.

Sans céder à l'immédiateté, la réponse de la France, celle d'une démocratie adulte, doit se construire simultanément sur deux piliers indissociables : la sécurité et la défense d'une société ouverte. Si nous les séparons, si l'un va sans l'autre, nous échouerons et nous nous perdrons. Or, nous devons réussir. Pour les victimes, pour les rescapés et pour nous tous.

Le premier pilier organise la sécurité dans toutes ses dimensions.

Nous devons construire efficacement notre sécurité sans céder sur les libertés essentielles et les principes de l'Etat de droit. Ce n'est jamais gagné d'avance.

L'état d'urgence n'a pas de vertu miracle. Si l'on y prend garde, il peut même accoutumer le pays non pas à la résistance et à la résilience, mais au fatalisme et à la résignation. Ces mesures d'exception doivent s'accompagner d'un contrôle parlementaire accru. L'Histoire de la France nous y invite préventivement. C'est également la condition de l'unité indispensable.

La sécurité est chose trop sérieuse pour ne pas être l'affaire de tous. Cessons d'opposer citoyenneté active et institutions publiques. Pour mobiliser la société, il ne faut pas la tétaniser. Les Français sont lucides et courageux. Disons leur la vérité, sur les risques et leurs causes, sans céder aux discours anxiogènes. Déjà, la peur de l'Islam s'installe, conformément aux vœux de Daech. Cruelle défaite de la pensée ! Olivier Roy a raison de souligner que le terrorisme n'est en rien "l'expression d'une radicalisation de la population musulmane", mais "la révolte nihiliste" d'une infime minorité.

Le second pilier rassemble autour des idéaux fondateurs d'une société démocratique ouverte. Désertés depuis des années, ils retrouveront leur fermeté et leur force inspirante, si nous savons les formuler et les traduire en actes.

N'en doutons pas, notre sécurité ne se gagnera pas essentiellement sur le sol européen. Elle est désormais "mondialisée". Les intérêts économiques, le pétrole en tête, ont trop longtemps orienté les choix stratégiques qui ont eux-mêmes percuté les principes affichés. Bien avant Daech, nous l'avions oublié, les erreurs géopolitiques nous insécurisaient là-bas, à distance, de Gaza au Liban, d'Alep à Raqqa, et jusqu'à Bagdad. On ne dira jamais assez ce que les fautes des faucons bushistes de 2003 produisent comme métastases permanentes dans la vaste région qui a laissé naître Daech. L'action militaire ne se limitera pas à des frappes aériennes, elle ne peut être efficace sans un engagement coordonné de troupes que rien aujourd'hui ne rassemble spontanément. Les contradictions de nos alliances ne nous y préparent pas. Dans le monde, la France n'est forte que quand elle est en accord avec ses valeurs. Avec la Russie, la Turquie ou l'Arabie saoudite, le chemin est escarpé.

La peur nous affaiblit, et les désordres poussent au repli plus qu'au sursaut. Ce repli conduit d'abord à un immense paradoxe: réinventer des frontières hexagonales quand la coopération européenne et mondiale est plus que jamais insuffisante et qu'il faut sans délai la relancer, pour la sécurité mais aussi pour gérer ensemble les migrations ou lutter contre la crise climatique.

Nous ne vivons pas la guerre mondiale de nos parents, mais très certainement, avant comme après le 11 janvier et le 13 novembre, des secousses tectoniques continues, krach financiers, chômage de masse, angoisses pour la planète, et aujourd'hui, terrorisme aveugle, qui rendent trop étroite une réponse strictement sécuritaire.

Elle n'endiguera pas les apôtres sauvages d'une entreprise destructrice. Elle ne rassurera pas ceux qui recherchent dans un âge d'or improbable des protections illusoires. Tout au plus, elle imposera l'idée que notre monde est vide de sens et que rien ne pourra lui en redonner.

Alors comment faire d'un moment d'immense tragédie nationale le début de ce nouveau récit commun, vainement recherché dans les années récentes et que le 11 janvier 2015 avait esquissé sans lendemain?

Plus encore qu'après Charlie, nous devons dépasser les événements, qui assassinent tous nos principes, pour puiser dans les forces inépuisables d'une grande nation ouverte au monde, pour retrouver les idéaux mobilisateurs et les utopies concrètes. Pour endiguer les offensives meurtrières, et pour éviter le repli identitaire, il faudra donner des perspectives crédibles à une génération qui, pour une grande part, n'est plus mobilisable par la politique. Changeons d'époque, invitons la jeunesse de France à monter sur la scène et à donner le meilleur d'elle-même. Au quotidien, saluons déjà le travail de fourmi, dans les écoles, les entreprises, les associations, de tous ceux qui continuent, qui sont restés debout, quand tout concourt à l'enfermement ou à la haine. "L'homme est plus grand que la guerre", écrit Svetlana Alexievitch.

Face aux fractures territoriales, qui ont disloqué le pays, au sentiment d'abandon qui s'incarne de mille façons, non seulement dans les banlieues, mais au coeur des villes et des villages, imaginons un plan République, pour la périphérie des grandes agglomérations, gangrenée par les inégalités, mais aussi au-delà. Le pacte d'égalité de la France ne peut s'effacer devant les politiques d'austérité. Comment désigner des apartheids français sans s'engager pour les réduire massivement ? Ce programme pour l'égalité exige une modernisation du pays, une exigence et des valeurs inébranlables, un engagement authentique. Les avons-nous dilapidés?

Il est vital de reformuler le projet républicain, de donner à la laïcité un contenu réellement partagé, plutôt que de réviser à la hâte la Constitution. À chaque grand moment de l'Histoire de la France, à chaque temps de ruptures, en 1789, aux débuts de la IIIème République comme en 1945, le débat national a permis de surmonter les épreuves et d'accoucher un nouvel âge démocratique. Saurons-nous organiser ce dialogue, le traduire dans un projet de société qui convainc et qui entraîne? Après le 13 novembre, nous pouvons assister à un nouvel épuisement de notre démocratie, ou à l'inverse, en réanimer les principes. La France est très précisément à ce carrefour.

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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 14:21

Emmanuel_Maurel_Marennes_28-08-2015Ce fut si long que l’on se demandait si la vérité des urnes – une large victoire de la gauche anti-austérité, majoritaire au nouveau Parlement – allait être respectée. À contrecœur, le président conservateur portugais a finalement donné à Antonio Costa, chef de file des socialistes lusitaniens, le mandat pour former un gouvernement socialiste, soutenu à la fois par le Bloc des gauches, et par l’alliance des communistes et des verts.

Au-delà de sa lecture personnelle du vote (qu’il analyse comme un “coup d’état”), l’attitude du président Anibal Cavaco Silva a été de bout en bout méprisante vis-à-vis des citoyens portugais, douloureusement éprouvés par des années de déflation sociale. Elle témoigne malheureusement des dysfonctionnements de l’Europe libérale actuelle où toute voix dissonante, en Grèce, au Portugal et ailleurs, est systématiquement caricaturée et étouffée. Finalement, la nomination d’Antonio Costa et l’accord de gouvernement trouvé par l’alliance “rose-rouge-vert” prouvent à ceux qui en doutaient que l’on peut être à la fois passionnément européen et résolument anti-austérité.
Il faut désormais espérer que les forces progressistes au pouvoir en Europe, et notamment les gouvernements italiens et français qui n’ont de cesse de rappeler que le rapport de force ne leur est pas favorable, soutiennent de tout leur poids le futur gouvernement portugais. L’occasion est unique de démontrer que le problème de l’Europe n’est pas l’Union européenne ou l’euro en tant que tels, mais bien la dangereuse orientation prônée par ses gouvernants actuels. Il y a urgence.

Emmanuel Maurel, député européen 

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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 11:40
Fanélie Carrey-Comte, députée socialiste

Fanélie Carrey-Comte, députée socialiste

Ce matin à l’Assemblée Nationale avait lieu un vote particulièrement important et difficile, celui de la prolongation de l’état d’urgence, et de la modification de la Loi de 1955 définissant cet état d’urgence. J’ai voté en faveur du prolongement pour 3 mois de l’état d’urgence, au vu du contexte particulièrement dramatique que nous traversons, pour que des moyens spécifiques puissent être mobilisés pour la protection de tous. Je comprends la demande faite par le Président de la République et le Gouvernement de prolonger les mesures annoncées Vendredi dernier, et pour permettre cela, j’ai donc voté pour l’Article 1er du texte. Mais la suite du débat parlementaire m’a posé de nombreuses difficultés. Car ont ensuite été soumises au vote plusieurs modifications de la Loi de 1955 ne me semblant pas apporter de plus-value par rapport au droit existant, et pouvant conduire à restreindre de manière très problématique les libertés publiques (sur l’extension des motifs et conditions d’assignation à résidence, sur les possibilités de dissolution d’associations…). Je ne crois pas que de telles mesures devaient être débattues et adoptées dans de telles conditions d’urgence et d’émotion, dans ces moments où l’on sait que les questions d’équilibre entre protection des citoyens et respect des libertés doivent être traitées avec beaucoup de prudence et de vigilance. C’est pourquoi je n’ai pas souhaité accepter le texte global, et je me suis finalement abstenue. Je crois qu’une partie des mesures adoptées aujourd’hui, que la tonalité du débat qui s’est tenu, où l’on a à plusieurs reprises fait passer l’urgence devant la raison, le droit et l’évaluation de la réelle efficacité des mesures, ne sont pas la bonne manière de réagir collectivement et efficacement aux drames qui nous touchent. Raison, protection de tous dans le respect des solidarités et des libertés doivent impérativement rester notre boussole. J’aurai l’occasion de revenir plus longuement dans un prochain billet sur mon site sur l’ensemble de ces éléments.

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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 11:36
Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice socialiste de Paris, membre du BN du Parti Socialiste

Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice socialiste de Paris, membre du BN du Parti Socialiste

J’ai voté la prolongation de l’état d’urgence pendant trois mois. Face à la situation dramatique de ces attentats perpétrés en plein Paris par des terroristes, en lien direct avec des mouvements islamistes étrangers, il faut agir dans l’urgence et avec efficacité. C’est un impératif absolu pour la sécurité de nos concitoyens.

Pour autant, ce qui s’impose à nous est d’affronter avec lucidité la situation dans laquelle nous nous trouvons, pour en sortir et ne pas reproduire demain des erreurs qui nous coûtent cher aujourd’hui.

Nous devons aux victimes et à leurs familles une analyse, un examen attentif, un vrai débat sur les origines des maux qui nous touchent aujourd’hui. Et bien évidemment sur ce qu’il faut entreprendre pour conjurer la menace.

Nous devons réfléchir sans tarder à la politique étrangère de la France depuis des années et en particulier depuis 2005, où après avoir résisté aux folles visées de George W. Bush et des néo-conservateurs, nous nous sommes trop laissé entraîner dans leur sillage. Je crains parfois que les néo-conservateurs n’aient trouvé quelques émules au sein même du quai d’Orsay.

Nous ne pourrons pas durablement refuser pour des motifs économiques de nous interroger sur nos relations avec les pétromonarchies du Golfe, et feindre d’ignorer plus longtemps leur collusion avec les mouvements terroristes comme leur lourde responsabilité dans les dérives que le wahhabisme a provoquées au sein de l’islam. Nous devons nous attaquer avec plus de force aux circuits de financements. Les plus de deux milliards de dollars de recettes qu’empoche l’EI ne tombent pas du ciel. Il faut tarir ces sources, agir contre ceux qui font transiter et achètent ce pétrole.

Nous ne pouvons pas continuer avec cette conception étrange de la Vème République qui prétendrait placer les affaires étrangères et la défense dans le domaine réservé du Président de la République. Car c’est le pays tout entier qui doit participer à l’indispensable débat sur la façon dont la France défend, avec lucidité et détermination, ses intérêts, ses valeurs, sa position dans le concert des nations.

De ce point de vue, l’affirmation, à mon avis trop tardive mais néanmoins bienvenue, d’un changement d’attitude avec la Russie et l’appel à une coalition internationale soutenue par l’ONU était indispensable. Il reste à la construire.

Chacun voit bien que désormais les choix internationaux de la France ont un impact évident sur les Français. C’est vrai pour l’économie, l’écologie et le terrain politique de la paix et de la sécurité.

Nous ne pouvons plus ne pas analyser plus en détail l’intérêt de l’engagement de nos forces armées sur différents terrains extérieurs. Pour ma part, j’ai approuvé sans réserve l’intervention au Mali, opérée à la demande d’un Etat souverain avec lequel nous avions des accords de défense. Je reste plus dubitative sur d’autres théâtres engagements surtout quand ils s’opèrent sans mandat de l’ONU. Cette exigence n’est pas du formalisme excessif. J’ai voté contre notre entrée dans la première guerre du Golfe ; nous n’étions pas nombreux alors. Je ne crois pas que l’histoire nous ait donné tort : il suffit de regarder les conséquences et la façon dont tout cela a engendré une déstabilisation redoutable et durable de la région.

Il est grand temps de réévaluer sérieusement nos interventions et si elles devaient se poursuivre, les moyens à consacrer à nos armées pour ce faire, sans éluder la question de la force de frappe nucléaire.

Sur ces sujets cruciaux nos concitoyens, les forces vives du pays, le parlement, n’ont pas depuis longtemps participé à des choix stratégiques, portant une vision de notre avenir et de la place de la France dans le monde. C’est une part de l’identité nationale, conçue comme projet collectif et non comme conformisme comportemental, qui s’y joue.

Il faudra aussi affronter, sans s’arrêter aux éléments de communication, aux émotions bien légitimes de l’instant, la question décisive de l’efficacité de l’État et des pouvoirs publics pour assurer notre sécurité. Sur ce sujet majeur, car il n’est pas de liberté sans sécurité – et réciproquement –, ni de démocratie avec la peur brandie en permanence, il faut d’abord chercher l’efficience de l’action.

La fuite en avant législative cache mal l’insuffisance des moyens, les dysfonctionnements dans l’organisation des services, le choix de priorités discutables. A chaque événement, à chaque drame, et même il y peu encore à chaque fait divers, les gouvernements proposaient de nouvelles lois, censées en durcissant les peines dissuader les délinquants voir « terroriser les terroristes ». Nul besoin de constater ce qu’il en est. Je n’ai jamais été laxiste car pour moi ce qui importe est que les objectifs que nous nous fixons soient atteints et donc qu’on agisse en conséquence dans le réel et non qu’on se gargarise de textes qui sont très souvent inutiles et qui – un jour ou l’autre – pourraient s’avérer dangereux. Qui plus est lorsqu’une nouvelle loi survient alors les décrets d’application de la précédente n’ont pas toujours été pris.

Or sur le réel, nous ne pouvons-nous taire.

Il faut faire un bilan précis de la fusion des RG et de la DST lors de la création de la DGSI. Est-ce que le pays y a vraiment gagné ? C’est toute une connaissance du terrain, des réseaux divers et variés qui s’organisent qui s’est affaiblie. La communication entre les services déconcentrés et le service central du renseignement intérieur d’une part, celle entre ce dernier et les services extérieurs d’autre part est-elle optimale ? Est-il souhaitable de balayer d’un revers de main ces questionnements ? A parier de plus en plus sur le développement des outils technologiques, ne négligeons nous pas la présence humaine qui est à la base du renseignement et la judiciarisation de ces informations ?

Je ne suis pas certaine que même avec la loi « renseignement », notre pays soit doté de bons outils d’analyse et de traitement opérationnels d’une collecte renforcée des informations.

Ces questions, nous les devons aux français. Posons-les nous rapidement, répondons-y sereinement avant d’engager ce qui pourrait s’avérer une nouvelle fuite en avant législative voire constitutionnelle. Là est l’urgence. Si certaines évolutions constitutionnelles sont aujourd’hui imaginées, vérifions d’abord qu’elles sont indispensables, que le droit actuel ne peut permettre d’agir comme il faut et surtout se rappeler – l’histoire nous l’a montré – qu’il n’est jamais sain de modifier nos textes fondamentaux, notre constitution, dans des états d’urgence. Ces textes nous ont permis de surmonter de graves crises, de faire face à de terribles menaces et même quand ceux qui menaçaient la République étaient Français, étaient en France. Alors, regardons-y de près.

Mais surtout agissons ici et maintenant. De ce point de vue, l’annonce des créations de postes dans la police, la justice, les douanes est très positive. Je suis en colère quand je me remémore les demandes réitérées à chaque débat budgétaire de création de postes de fonctionnaires en particulier dans ces domaines clefs qui n’avaient pour toutes réponses qu’un refus au motif de la rigueur budgétaire. S’agissant des douanes, on me renvoyait l’archaïsme et la désuétude de ma demande dans le contexte européen. Pourtant, au-delà du contrôle de la circulation des personnes, il fallait aussi contrôler la circulation des biens tout aussi indispensable.

Nous avons pris du retard, le nombre de places dans les écoles de police est insuffisant, et les créations de postes mettront du temps à se concrétiser. Cette remise à niveau de notre système demande du temps, au moins celui de la formation. Alors utilisons les forces existantes là où elles sont le plus utiles.

Nous n’avons aucune leçon à recevoir de la droite qui a fait des choix de politique étrangère désastreux et laissé l’État dans un état déplorable.

Nous ne devons pas céder aux sirènes de l’extrême droite qui ne cessera pas de faire monter la pression. A peine aurait-on cédé à ces injonctions qu’apparaîtra leur inefficacité, le FN dira que nous n’avons pas été assez loin.

Viendra le temps de la remise en cause du droit du sol, des conditions d’accès à la nationalité ; viendra le temps de « l’exigence » de milices populaires pour surveiller les comportements suspects, etc. Je sais, disant cela, que d’aucuns penseront que je suis excessive. Je préfère faire un excès de zèle dans la prévention que de devoir faire face après. Car hélas ceux qui résistent peu aujourd’hui ne résisteront pas plus demain.

Les mots ne convainquent pas si les actes ne sont pas capables de démontrer qu’une issue est possible et que la paix peut être gagnée.

Donc, c’est avec sérieux que je fais ce choix de voter aujourd’hui la prolongation de l’état d’urgence. Mais c’est avec vigilance que j’exigerai que ne soient pas éludés les enjeux qui doivent nous permettre de trouver des solutions effectives, en conformité absolue avec nos valeurs.

Je crois qu’une très large partie de la population française, de nos compatriotes de confession musulmane comme de tous les autres, sont prêts à s’engager contre ce qui nous menace tous, contre la barbarie. Je sais aussi que les valeurs doivent s’incarner dans le quotidien de chacun et que si le pacte républicain s’affirme contre les ennemis de la République, il se construit quand nous agissons pour une société plus juste, plus émancipatrice. Tout se tient.

Alors tenons bon.

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